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Ecolieux et inclusivité : (tristes) constats, bonnes pratiques et exemples

L’inclusivité dans les écolieux : où ça en est ? Existe-t-il des oasis queer friendly, féministes, anti-racistes et autres luttes sociales ? Ou est-ce que les habitats collectifs sont juste des entre-soi faussement militants ? Après 1 an de voyage et près de 25 projets alternatifs visités, je te partage mes constats, mes observations, mes questionnements… Et des pistes pour rendre les écovillages plus inclusifs et engagés contre les oppressions systémiques !

Pourquoi c’est si important de lutter contre les discriminations (aussi) au sein des écolieux ? 3 raisons

Il y a sûrement mille et une raisons de lutter contre les discriminations. Je pourrais même citer des avantages « utilitaristes » ou logiques. J’ai choisi de rester au stade idéologique, parce que ça donne déjà de bonnes grosses raisons d’allier luttes sociales et environnementales !

1. L’écologie sans lutte des classes, c’est du jardinage

De nombreuses crises et inégalités viennent d’une même racine : la dynamique de domination d’un groupe sur un autre, à l’échelle systémique. Domination de l’humain sur le reste du vivant, des hommes sur les femmes, des riches sur les pauvres, des personnes blanches sur les personnes racisées, etc. Ces systèmes de dominations sont interreliés : ils se soutiennent, se renforcent mutuellement. Un joyeux méli-mélo de galères !

La bonne nouvelle, c’est qu’agir sur l’une de ces discriminations, c’est agir sur les autres… À condition d’en déconstruire la racine : les dynamiques de domination. (Pour creuser ce sujet, je te recommande la Fresque des Résistances ! Je t’en partage ma synthèse ici.).

À l’inverse, prétendre agir sur une cause, en oubliant les autres, c’est contre-productif… Et c’est pareil en écolieu. Faire des lieux seulement écolos, c’est oublier tous les autres enjeux du XXIe siècle.

Une affiche vue sur les murs de Bascule Argoat : "Ensemble, faisons attention à : agisme, classisme, grossophobie, LGBTQIA+phobie, putophobie, racisme, sexisme, validisme"
Vu sur les murs de Bascule Argoat

Alors, est-ce que ça fait vraiment sens de « réapprendre à faire société »… Tout en restant entre soi ?
Est-ce qu’on peut vraiment « faire société »… Sans les personnes âgées, handicapées, racisées, queers, jeunes, etc. ?
Des lieux peuvent-ils être alternatifs, solidaires… S’ils ne sont pas représentatifs de la population en France ?

Je ne crois pas. J’ai l’impression qu’on propose une alternative biaisée et incomplète, si on laisse derrière nous la moitié des personnes.

2. Vive la diversité !

Accueillir une diversité de personnes, c’est s’ouvrir à une diversité de points de vue et d’expériences. C’est profiter pleinement de l’intelligence collective, pour créer des lieux et modes de vie cohérents face aux différents enjeux actuels. Et puis, souvent, les personnes sensibilisées sur une cause le sont aussi sur d’autres : on tire un fil, et on découvre la pelote des dominations. Offrir un lieu inclusif, c’est donc pouvoir accueillir des personnes engagées sur de nombreuses causes et bénéficier de leurs engagements, réseaux, retours d’expérience, etc.

3. Proposer une vraie alternative, cohérente

Tout simplement par humanisme. Par cohérence avec les valeurs qu’affichent de nombreux écolieux : de prendre soin de l’humain, d’accueillir, de valoriser la diversité, de souhaiter la résilience, etc.

Malheureusement, entre la théorie et la pratique, entre les idéaux et la réalité, il y a parfois un fossé…

Pourquoi les écolieux ne sont pas si inclusifs ?

Des nouvelles sociétés pas très diversifiées

Pendant 1 an, j’ai visité près de 25 écolieux (principalement en zones rurales ou semi-rurales). Au fil des mois, quelque chose me dérangeait de plus en plus, me questionnait… Où est la diversité ?

De lieu en lieu, j’avais très majoritairement affaire à des personnes blanches, valides, cisgenres, éduquées, aisées financièrement (et j’en fais partie !).

Coucher de soleil sur les tables extérieures du Coq à l'Ame

Note : J’écris cet article avec ma vision de femme cisgenre, blanche, valide, issue de classe aisée… Et touchée par les causes environnementales et sociales, depuis le haut de mes privilèges. Cet article est nourri par mes réflexions, observations, discussions. Mais cette parole n’est pas à prendre pour argent comptant. Le plus important reste de comprendre les enjeux présents sur votre territoire, se rapprocher des personnes concernées par des discriminations et oppressions, les croire, écouter leurs besoins et y répondre du mieux possible.

La vie en écolieu, un privilège

J’ai discuté de ce constat avec Wivine, une femme originaire du Gabon venue étudier en France. Je l’ai rencontrée dans un écolieu, où elle faisait un stage.

Elle m’explique qu’arriver dans un nouveau lieu, un nouveau groupe, un nouvel écosystème : c’est une prise de risque, d’autant plus quand on fait partie d’une minorité. En tant que femme noire, elle ne sait pas comment elle sera regardée ou jugée. Elle ne sait pas si elle sera accueillie ou victime de racisme… Alors, de nombreuses personnes ne passeront pas le pas.

Arriver sereinement dans un lieu inconnu, c’est un privilège.

S’arrêter de travailler pour mener sa quête de sens, c’est un privilège.

Avoir confiance qu’on pourra revenir dans le monde du travail après un trou de plusieurs mois (de wwoofing, d’exploration d’écolieux et autres aventures loin du chemin classique), c’est un privilège.

Pouvoir sortir de son quotidien pour visiter des lieux alternatifs, sans craindre les remarques, discriminations, mises à l’écart, ou difficultés à retrouver une vie stable : c’est un privilège !

Pouvoir débourser plusieurs dizaines de milliers d’euros pour rejoindre un écolieu, c’est un privilège.

Les oasis : réservées aux écolos

Elle m’explique aussi que les écolieux sont associés aux écolos… Donc, aux personnes aisées, qui ont le temps d’y réfléchir, peuvent acheter bio, choisir leurs magasins et ont encore assez d’énergie à la fin de la journée pour se déplacer à vélo.

Les écolieux renvoient une image de riche, puisque de nombreux lieux demandent un capital important pour rejoindre. J’ai vu beaucoup de collectifs s’installer dans un chateau, une grande bâtisse, etc.

Alors, beaucoup de personnes racisées et/ou en situation de précarité ne se sentent pas concernées ou invitées dans ce monde-là… Voire, ne connaissent même pas ce concept.

L’image des écolieux à l’échelle nationale est, en elle-même, un frein.

  • Cet écosystème s’adresse plutôt à des classes aisées et écolo, éduquées (qui ont réfléchi au sens philosophique, éthique, engagé du vivre ensemble), où on parle beaucoup pour “prendre soin du nous” et décider ensemble.
  • L’écologie est mise en avant, les luttes sociales beaucoup moins (on parle de soin, de lien social, d’humanisme… Mais il manque selon moi la dimension systémique et les notions d’oppressions exercées sur certaines populations).
  • Les structures de référence dans cet écosystème contribuent à cette image… Ou peuvent au contraire renverser la tendance ! Par exemple : le manifeste des oasis de la Coopérative Oasis commence par « Nous sommes des centaines de collectifs écologiques qui vivons et travaillons ensemble dans des lieux dont nous prenons soin. », on met l’accent sur l’écologie plus que sur les crises sociales. Pourtant, ce sont bel et bien des sujets pensés en interne : au festival Oasis 2024, plusieurs conférences et ateliers se concentrent sur ces enjeux d’inclusivité. Autre nom présent dans la plupart des écolieux : l’Université du Nous. La structure expérimente beaucoup sur ces thématiques, entre autres par l’organisation de séjours en mixité choisie sans homme cisgenre, l’utilisation de l’écriture inclusive, et même « la déconstruction des conditionnements du modèle patriarcal » comme partie de leur raison d’être.

Une place en habitat collectif, ça coûte cher !

Le terme ‘écolieu’ est lié au projet d’habitat, et donc souvent de propriété. Cela demande de forts investissements à l’entrée et exclut toute une partie de la population… Autrement dit : rejoindre un lieu collectif, ça coûte (souvent) cher.

J’ai vu beaucoup d’Oasis où il fallait acheter son logement (ou des parts de la société) pour y habiter. Alors, ça se chiffre vite à 100 ou 200 000 € !

Pour les plus accessibles, il faut tout de même sortir 10 ou 30 000 € de sa poche. Une somme qui n’est pas offerte à tout le monde, loin de là… Rares sont les lieux qui ne demandent pas un « ticket d’entrée ».

Ce qui se comprend bien sûr, puisqu’il y a souvent un gros emprunt à rembourser pour l’achat du lieu. Mais ça questionne le modèle : est-ce indispensable d’acheter le lieu, si cela résulte en un tel frein ?

Une grande batisse à 3 étages

Un fossé entre les idéaux et les actions

Alors, oui : de nombreux projets alternatifs et collectifs se veulent inclusifs… Mais peu reflètent vraiment la diversité de personnes qu’on trouve en France.

Souvent, les collectifs nourrissent des valeurs d’accueil, d’ouverture sociale, d’horizontalité, d’acceptation de l’autre, de soin, etc. Malheureusement, en pratique, quand on arrive sur un territoire et qu’on doit s’y faire accepter, qu’on croule sous les travaux, qu’on a une multitude de rêves et de projets à mener, qu’on doit trouver rapidement un modèle économique pérenne, tout en prenant soin des personnes déjà dans le collectif et en gérant les conflits internes… Les luttes sociales passent après.

En fait, l’inclusivité et le mélange des publics ne se font pas tout seuls. Il ne suffit pas de se déclarer inclusif et ouvert à toustes pour que des profils très divers arrivent. Il ne suffit pas de ne pas discriminer pour lutter contre la discrimination systémique. En réalité, il y a besoin de réels projets, de dispositifs spécifiques pour que les différents publics se sentent invités, accueillis, concernés. Il y a besoin de créer l’excuse de la rencontre, de mettre la vocation sociale au cœur des réflexions et aménagements. Bref : ça demande des ressources, humaines, matérielles et financières… Que les projets collectifs n’ont/n’accordent pas forcément à leur lancement.

Heureusement, il y a aussi des actions (plus ou moins) faciles à mettre en place. J’ai rassemblé dans la suite de l’article plusieurs idées et propositions pour rendre les écolieux plus inclusifs.

Des exemples d’écolieux qui s’engagent pour accueillir une diversité de personnes

Au court de mon voyage, j’ai quand même vu de beaux engagements !

  • L’Arche de Saint-Antoine : lieu multigénérationnel, multinationalité aussi dans ses habitant.e.s, entièrement accessible PMR, avec de l’hébergement d’urgence et solidaire. (Honnêtement, c’est là que j’ai vu le plus
  • Bidouillart : hébergements d’urgence et solidaires, et globalement un fonctionnement fait pour sortir du capitalisme et ses rouages.
  • Bascule Argoat : lieu écoféministe, multiples engagements sur les luttes locales.
  • Le Moulin Bleu : lieu féministe (le seul de la liste que je n’ai pas visité, je ne peux donc pas en dire beaucoup plus !).
  • Oasis des Ages : une habitante s’engage activement dans une association écoféministe locale.
  • Château de Montlaville : anime un tier-lieu très actif pour créer du lien dans le village et sur le territoire.

Et plusieurs lieux qui réinventent le rapport à l’argent et la propriété : Hôtel de la Cronce, Coq à l’Ame, Ferme de Chenèvre et bien d’autres.

Cette liste est loin d’être exhaustive, je l’espère. J’ai seulement pioché dans les lieux que j’ai moi-même visités.

Plus d’inclusivité dans les écolieux : bonnes pratiques générales

Avant tout, je le rappelle : il ne suffit pas de ne pas discriminer soi-même. Il faut activement contrer les dynamiques d’oppressions systémiques.

Par exemple dans l’organisation d’un événement : se contenter de faire un appel à conférence, et traiter de la même manière les propositions — quels que soit le genre, la couleur, l’origine de la personne… En fait, ça ne suffit pas. Car l’oppression systémique fait que certaines personnes se sentiront moins légitimes ou moins capables de proposer une conférence.

De même, face à un nouveau lieu, les personnes subissant des agressions quotidiennes risquent de supposer par défaut qu’elles ne sont pas les bienvenues — pour se protéger d’agressions supplémentaires. C’est donc à vous de les mettre en confiance.

Écouter et croire

Le plus important, dans toute démarche d’inclusivité : se rapprocher des personnes concernées par les oppressions. Les écouter, les croire, comprendre leurs besoins et demandes… Et essayer d’y répondre, du mieux possible.

Une affiche vue sur les murs de Bascule Argoat : "victime ou témoin d'une agression ? On te croit. Tu peux en parler à un.e référent.e"
Vu sur les murs de Bascule Argoat

J’entends souvent les collectifs essayer « d’aller chercher » les gens : je pense qu’il faut plutôt aller vers elles et eux. Les rejoindre dans leur monde, les comprendre, et leur proposer de remettre un bout de ce monde dans votre écolieu pour qu’iels s’y sentent accueillies.

Créer l’excuse de la rencontre, de la visite, en leur proposant quelque chose que eux cherchent et souhaitent — pas quelque chose sur lesquels vous voulez les sensibiliser.

Des habitant.e.s sensibilisés

On grandit et on évolue dans une société pleine de discriminations, d’oppressions systémiques, de clichés et stéréotypes. La culture (médias, pub, télé, films, livres, etc.) répète et entretient tout ça.

Alors, on apprend certains comportements, et on les reproduit. C’est normal quand on baigne dedans !

Il est donc indispensable de se sensibiliser pour identifier ses propres comportements problématiques, comprendre ce qui entretient le système d’oppressions systémiques… Et en sortir, peu à peu.

Ça demande de l’attention, de se mettre à la place de l’autre.

Le collectif peut soutenir ses membres dans cette quête de déconstruction des habitudes problématiques.

  • Ateliers de sensibilisation aux différentes oppressions systémiques.
  • Affichages de vulgarisation et de rappels (pour que ce soit intégré au quotidien).
  • Partage mutuel de ressources.
  • Supports culturels sur les différentes luttes (livres, BD, spectacles accueillis sur le lieu, diffusion de films, etc.).
  • Entraide, en toute bienveillance. Par exemple, quand on voit un.e habitant.e reproduire un comportement oppressif, on peut le lui dire, lui expliquer ce que ça renvoie, etc. Cette dynamique de feedbacks constructifs peut devenir une culture commune du groupe !

Des murs qui donnent confiance

Faites de votre écolieu un espace « safe » (sécurisant) pour toustes. Pour ça : zéro tolérance aux comportements oppressifs ou discriminatoires !

Invitez chaque personne victime de tels comportements à venir en parler à un.e membre du collectif… Et croyez cette personne. Mettez-la en sécurité, puis en confiance.

Sticker vu sur les murs de Bascule Argoat : "ici, vous êtes libres de vos choix"
Vu sur les murs de Bascule Argoat

Une communication inclusive

La lutte contre les discriminations, ça passe aussi dans la communication !

  • Veillez à représenter une diversité de personnes dans vos visuels et photos : personnes handicapées, racisées, de tous âges, de tout poids, etc.
  • Travaillez l’accessibilité de vos contenus pour les personnes malvoyantes ou malentendantes par exemple, pour qu’elles se sentent prises en compte.
  • Utilisez un langage (et des visuels) non-sexiste.
  • Évitez de véhiculer des clichés sexistes, racistes, grossophobes et autres discriminations dans vos supports de communication (le diable se cache parfois dans les détails ! Je vous recommande le compte Instagram Pépites Sexistes pour voir de mauvais élèves).
  • Utilisez différents supports de communication pour toucher différentes populations. Par exemple, vous ne toucherez pas beaucoup de personnes âgées en publiant sur Instagram ! Faites aussi de l’affichage ou du porte-à-porte. À l’Oasis du Coq à l’Âme, iels utilisent beaucoup l’affichage, car c’est ce qui est vu par les personnes du territoire.
  • Allez inviter directement vos voisins et voisines, montrez-leur qu’iels sont les bienvenues. Surtout dans les premières années, le temps de vous intégrer au territoire auprès de toustes. Par exemple, au Clos de la Louve, le porte-à-porte est un incontournable avant chaque événement.
  • Dites explicitement que tout le monde est bienvenu, parlez de ce que vous mettez en place pour améliorer l’inclusivité de votre lieu : bref, montrez que vous faites de votre mieux (si c’est le cas !😉) Par exemple, le Moulin Bleu s’affiche comme un lieu féministe sur leur site web.

Des toilettes arc-en-ciel

Ah, les toilettes ! Pas très sexy, et pourtant : tout le monde en a besoin, alors tout le monde doit s’y sentir bien !

  • Proposez des toilettes non genrées : ça évitera un choix inconfortable aux personnes non binaires et queer en général.
  • Assurez-vous d’avoir des toilettes accessibles aux personnes à mobilité réduite — et indiquez-les clairement.
  • Assurez-vous aussi d’avoir des toilettes adaptées aux personnes qui ont leurs règles : un lavabo isolé pour vider sa cup, une poubelle fermée pour les protections menstruelles, éventuellement des protections menstruelles gratuites, etc.

Une cuisine qui nous veut du bien

Vous avez une cuisine collective sur votre écolieu ? Quelques bonnes pratiques pour prendre soin de vos invité.e.s !

  • Demander les spécificités alimentaires des personnes accueillies (allergies, intolérances, choix, restrictions médicales, etc.) en amont ou au début du séjour.
  • L’afficher en cuisine (voire en amont, pour les courses) et s’assurer que c’est pris en compte au moment de faire la tambouille collective.
  • Avoir des étiquettes à placer près des plats au moment du service : végétarien, vegan, sans gluten, sucre ajouté, présence d’allergènes, etc. Selon les lieux, j’ai vu de jolies étiquettes réutilisables ou des petites ardoises personnalisables.

Et pour la suite de l’article, j’ai cherché des bonnes pratiques pour lutter spécifiquement contre différentes discriminations 👇

Écolieux feministes et queer friendly

Idées d’actions pour un collectif non-sexiste

En complément des actions ci-dessus, voilà quelques idées spécifiques à la lutte féministe et queer.

Quelques exemples d’écolieux queer friendly

  • Bascule Argoat (Centre-Ouest Bretagne) est un lieu écoféministe. Ses murs en parlent bien, ses habitant.e.s aussi ! Plus largement, le réseau de La Bascule et ses 3 lieux (Caserne Bascule en Bourgogne, l’oasis des âges en Corrèze et Bascule Argoat en Bretagne) intègre ces thématiques dans leur quotidien et leurs réflexions.
  • Le Moulin Bleu (Loir-et-Cher) est un écolieu qui s’affiche féministe (et qui tient une conférence sur l’inclusion des personnes LGBTQIA+ pendant le Festival Oasis. Ça en dit long !😗)
  • Le Clos de la Louve (Jura). Rien d’ouvertement affiché sur leur site ou sur le lieu, mais les habitant.e.s semblent proches de la communauté queer. Donc je pense que quiconque queer s’y sentirait bien accueilli.
  • Deux autres lieux dont on m’a parlé, mais que je n’ai pas visités : Folleterre et Fantasy Farm, qui sont créés et pensés comme des lieux d’accueil et de ressourcement pour les personnes queer.

Accessibilité financière en Oasis

Deuxième sujet que j’ai eu l’occasion de vivre et creuser : l’accessibilité financière dans les différents projets d’oasis. Certains se visitent seulement en gîte à prix fixe (et élevé), se rejoignent en achetant un logement ou des parts sociales (en déboursant des dizaines de milliers d’euros)… D’autres veulent allier lutte des classes et lutte écologique, et se rendre financièrement accessibles à toustes. Quelques exemples.

Pour visiter

De nombreux lieux sont accessibles en volontariat : le gîte et le couvert, en échange de quelques heures de travail par jour. Ces lieux sont référencés sur la plateforme wwoofing — entre autres. L’Arche de Saint-Antoine a un modèle similaire, avec les séjours communautaires. Pour ces lieux, il n’y a donc rien à payer — si ce n’est de l’huile de coude !

D’autres lieux se visitent à prix libre et conscient. Généralement, le collectif indique le coût de revient par jour de présence (repas, électricité, eau, etc.) et vous permet de choisir votre montant selon vos possibilités. En général, le prix recommandé tourne autour de 10 ou 15 € par jour/nuit.

Certains lieux ouvrent leurs portes à l’occasion d’événements.

Pour habiter

Pour habiter de manière permanente : beaucoup d’écovillages ont des prix à l’entrée élevés ! Heureusement, de plus en plus de collectifs ont à cœur de travailler sur l’accessibilité financière. Généralement, ces valeurs se traduisent alors dans le montage juridique, le fonctionnement financier sur place, un faible investissement pour intégrer le collectif, un loyer accessible ou équitable pour habiter sur le lieu, et plein d’autres idées.

  • Certains lieux ont vocation à faire de leur foncier un bien commun. Dans ce cas, le bâti appartient à une structure juridique (et non à des individus) et les revenus participent à rembourser le prêt, année après année. Exemples : l’Hôtel de la Cronce (le projet est porté uniquement par une association. Pas de société, par choix politique et engagé !), la Juptière (SAS coopérative + association), le Château de Bardonenche (SAS coopérative + association), etc.
  • Dans ces lieux, les habitant.e.s ne sont généralement pas propriétaires de leur appartement. Ainsi, les espaces privés peuvent s’échanger au cours des changements de vie, de besoins, de membres dans la famille… Je l’ai vraiment constaté à la Ferme de Chenèvre, en pleins travaux de rénovation lors de ma visite.
  • Les structures juridiques et statuts peuvent éviter la spéculation financière. C’est-à-dire qu’à son départ, une personne ne récupère pas plus d’argent que son apport initial. Je l’ai vu dans beaucoup d’écolieux ! En effet, ça évite aussi d’avoir des personnes intéressées par l’argent, plus que par le projet sur place.
  • On retrouve parfois un travail sur les loyers, cherchant l’accessibilité et l’équité. C’est le cas de l’Hôtel de la Cronce, qui d’ailleurs ne demande pas d’investissement pour habiter sur le lieu : c’est une location, à prix très accessible. C’est aussi une valeur importante à La Juptière. Les habitant.e.s payent un loyer fixe + une part variable dépendant de leur surface privée+ une indemnité d’occupation basée sur le revenu, selon un barème progressif. « L’objectif est de rechercher l’équité, non pas sur la part donnée, mais sur le reste à vivre ».

Pour un accueil solidaire

En complément, certains lieux réservent des chambres à de l’accueil d’urgence et de l’accueil solidaire.

Réinventer le rapport à l’argent

Enfin, les écolieux peuvent être un merveilleux laboratoire pour réinventer le rapport à l’argent, expérimenter d’autres modèles financiers et sortir (autant que possible !) des dynamiques délétères du capitalisme.

Quelques exemples…

  • L’Oasis du Coq à l’Âme cherche à générer un revenu de base pour chaque membre du collectif — indépendamment de son activité ou temps de travail sur le lieu. Les charges sont payées en co-responsabilité : chaque mois, une réunion permet à chaque personne de choisir ce qu’elle met au pot commun. Pour ça, il y a un partage en toute transparence des besoins de la structure, des revenus et besoins de chaque habitant.e.
  • L’Arche de Saint-Antoine a un fonctionnement financier très spécifique. Pour résumer : tous les revenus des habitant.e.s sont mis en commun et redistribués, en fonction de la composition du foyer. Ainsi, chaque personne a le même niveau de vie. Toute personne qui habite sur le lieu y travaille aussi, avec une fiche de paie par foyer.
  • Tera (dans le Lot et dans la Haute-Garonne) : je n’ai pas visité moi-même ce projet, mais il serait difficile de ne pas le mentionner dans cette partie ! Plus qu’un habitat partagé, c’est un projet de développement territorial. Il vise à relocaliser la production pour répondre aux besoins des habitant.e.s, abaisser l’empreinte écologique, utiliser une monnaie citoyenne locale, assurer un revenu d’autonomie pour les habitant.e.s. Tout un programme !
  • Plusieurs lieux proposent de nouvelles habitudes d’échange. Par exemple le prix libre et conscient (chaque personne choisit ce qu’elle paye, en fonction de ses moyens, de ce qu’elle reçoit, du coût de la prestation et des besoins du projet), mais aussi les magasins gratuits (où on peut librement déposer ou prendre des choses, gratuitement) comme à la Caserne Bascule ou l’Arche de Saint-Antoine.
Un portant de vêtements avec un panneau : magasin gratuit
Un magasin gratuit proposé par la Caserne Bascule pendant le Feÿ Art Festival


Il y a plein d’autres discriminations, que j’ai moins eu l’occasion d’explorer. Parce que je ne suis pas personnellement concernée, déjà… Mais aussi parce que j’y ai été peu confrontée, je l’ai peu observé. Bref, par manque de représentation de ces personnes dans le monde des écolieux, malheureusement ! (Et puis, j’ai mis du temps avant de voir le problème et de vouloir me pencher activement sur la question, alors j’ai sûrement manqué plein de belles discussions d’empathie et d’enquête sur le sujet).

Bref, je continue l’enquête, en espérant pouvoir compléter cet article au fur et à mesure ! En tout cas : je suis très intéressée par tes propres témoignages, observations, retours d’expérience ou idées ! Écris-moi juste en dessous en commentaire, ou sur contact[a]oservert.fr pour papoter.

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