L’Arche de Saint-Antoine : vie communautaire et spirituelle (Isère)

🙋‍♀️ Cette immersion s’inscrit dans un voyage à la découverte de différents écolieux en France. Juste avant, j’étais chez Graines de Buisson, ferme de maraîchage et plantes médicinales.

Je glisse des émojis dans l’article pour que tu ne manques pas les plus beaux apprentissages :

💡 Une bonne idée à tester !
☀ Un principe clé de réussite.
📗 Une ressource à creuser.

Présentation de la maison d’accueil et de vie communautaire : l’Arche de Saint-Antoine

Nom : L’Arche de Saint-Antoine

🧭 Raison d’être : Une maison d’accueil, animée par une communauté vivant sur place, dont la direction de vie est la non-violence comme philosophie et outil de transformation de soi et de la société.

📍 Localisation : Saint-Antoine l’Abbaye, Isère.

📅 Année de création : L’Arche de St-Antoine fait partie de la communauté internationale de l’Arche — Non-Violence et Spiritualité, fondé en 1948 par Lanza del Vasto. Les membres les plus anciens ont rejoint le lieu il y a plus de 30 ans.

👥 Nombre de personnes : une cinquantaine de personnes vivent ici, sur le moyen (quelques mois) ou long terme (plusieurs années).

🏡 Exemples d’espaces : bibliothèque, braderie (prêts et dons de vêtements), chapelle (où se déroulent les temps de méditation et d’office chrétien), jardin médicinal, verger et potager, différentes salles pour accueillir des temps communautaires et des stages de l’extérieur, parquet de danse, hôtellerie avec 99 chambres…

🛌 Opportunités d’accueil : stage communautaire (similaire au wwoofing), stage libre (en gîte), participation à un stage ou formation accueilli à l’Arche.

💰 Modèle économique : location des salles et de chambres en pension complète, pour l’accueil de stages, de formations ou nuitées en gîte. Les habitant.e.s du lieu y travaillent toustes.

💡 L’idée à emporter : la place de la spiritualité au quotidien. Par exemple, le matin, les membres de la communauté se retrouvent pour la salutation de la paix. Un simple geste pour rencontrer et accueillir chaque personne présente. Autre exemple : régulièrement, une cloche sonne. Alors, tout s’arrête. Les paroles, les mouvements, l’urgence intérieure. On s’arrête un instant pour respirer et revenir au moment présent… Je vous raconte plus en détail une journée type dans le journal de bord, au 23 octobre !

Journal de mon immersion dans cette abbaye d’accueil

23/10 – Une journée à l’Arche de St-Antoine

À l’Arche de Saint-Antoine, la vie est rythmée par des temps communautaires et spirituels. Tous sont facultatifs. Chacun, chacune y participe en fonction de ses besoins, ses ressources, ses envies. Le tout, musicalement jalonné par les cloches de l’Abbaye, située juste derrière la maison.

8 h : après le petit-déjeuner, la journée commence par un temps de méditation collectif.

Le groupe se retrouve ensuite dans une salle pour ☀ la salutation de paix : quelques minutes partagées, en silence, pour se voir, s’accueillir, se reconnaître. On passe devant chaque personne présente. On partage un regard, yeux dans les yeux. Et on se salue, d’un simple mouvement, mains en prière contre le cœur et tête qui se baisse… Avant de partir à la rencontre de la personne suivante. Un temps qui semble court et simple, mais qui est pourtant particulièrement important pour la communauté. Ce geste rituel et spirituel permet de commencer la journée en prenant soin des relations et du groupe.

Le cœur léger et ouvert, je me dirige alors vers la cuisine. 8 h 40 : c’est le temps des pluches !

Nous voilà une vingtaine, affairés à éplucher patates, courges, carottes, navet ou encore aromates. Les légumes du jardin, en majorité. Parfois en silence. Parfois en rencontre.

💡 Quand soudain, le son délicat d’une cloche retentit. Tout s’arrête. Les couteaux se posent, les mains se détendent, les voix s’arrêtent, les yeux se ferment, parfois… Je mets quelques secondes avant de comprendre. On s’accorde quelques minutes pour être ici et maintenant, pour respirer…

Nouveau son de cloche, et les actions reprennent. Comme si de rien de n’était. Quoique, les voix sont un peu plus basses, les cœurs un peu plus calmes, les gestes un peu plus paisibles.

Au bout d’une heure, les volontaires quittent la cuisine. Jusqu’à 10 h, c’est l’office chrétien. Habitants et habitantes se retrouvent dans la chapelle pour échanger prières et chants religieux.

À 10 h, on se donne RDV dans la salle à manger pour 💡 la distribution des tâches. Chaque personne exprime les besoins pour son pôle de responsabilité : nombre de personnes, et tâche à effectuer. Entretien du potager, cueillette des légumes, garderie pour les enfants, repassage du linge de l’espace hôtellerie, nettoyage des espaces communs, poursuite des pluches… À main levée, on distribue alors les missions. Efficace : en 5 min, nous voilà prêt.e.s à offrir notre temps à la communauté ! Pour moi, ce matin, c’est séparation des pistils de safran.

Le temps de travail dure jusqu’à midi. Le repas est ensuite servi, à 12 h 15. Il débute par une bénédiction (non religieuse) puis une présentation des plats. On profite d’être réuni.e.s à table pour faire des annonces, s’il y en a.

À 14 h 15, un deuxième temps de méditation est proposé. Aujourd’hui, une petite dizaine de personnes partagent ce temps de silence…

14 h 45 : deuxième distribution des tâches, qui dureront jusqu’à 18 h.

À 18 h 30, la journée se clôture par une prière communautaire du soir. Chaque soir, on se relie à une religion différente (hindouisme, bouddhisme, islamisme, etc.) Ce temps est aussi l’occasion d’accueillir les personnes nouvellement arrivées.

Le dîner est servi à 19 h. Il peut être suivi de propositions communautaires, comme une projection de film. Tous les mardis, la communauté se retrouve pour une initiation aux danses traditionnelles du monde, en cercle. Le samedi soir, c’est soirée danse et festive, pour mettre tout ça en pratique !

24/10 – Le quotidien : miroir des valeurs du collectif

Comparer les collectifs, pour en comprendre les valeurs piliers

L’Arche de St-Antoine, c’est déjà le 4e collectif que je découvre dans son quotidien et son organisation humaine.

Alors, je peux déjà identifier des différences, percevoir des choix et leurs origines. Je sens que je pose des questions plus ciblées sur tel ou tel enjeu de la vie en communauté.

Surtout, je vois grandir en moi un esprit critique. Une ouverture des possibles qui me permet de toucher du doigt les valeurs collectives, retranscrites dans chaque fonctionnement du quotidien.

  • Est-ce que la communauté valorise la régularité et le rituel, comme ici à l’Arche ; ou plutôt la spontanéité et le fonctionnement organique, comme à la Caserne Bascule ?
  • L’ouverture inclusive et systématique, comme au Château de Magny, ou l’engagement profond de chaque habitant.e.s qui rejoint le projet, comme à l’Arche ?
  • La joie et le rire, comme à la Casba, ou la présence et la spiritualité, comme à l’Arche ?
  • Comment l’accueil de groupe et l’ouverture extérieure s’articulent avec la vie et le quotidien des habitant.e.s ?

Vient dans mon sac à dos, à la rencontre des écolieux et collectifs : retrouve tous les articles ici !

L’organisation des repas : quelles valeurs on priorise ?

☀ Je trouve ça fascinant comme, parfois, une simple habitude du quotidien dévoile et incarne ces valeurs.

Par exemple :

  • À l’Arche de Saint-Antoine, on mange toujours aux mêmes horaires. À 5 minutes près, le repas est toujours servi à l’heure. Et quand on cuisine pour 50, voire 100 ou 120 personnes : ça relève de l’exploit. En coulisses, ça traduit une forte valeur de régularité, de qualité d’accueil, de ritualisation du quotidien. Ça traduit également une organisation bien rodée, et une responsabilité portée par les personnes restant suffisamment longtemps pour être formées à la cuisine selon les méthodes de l’Arche. Ceci, peut-être, aux dépens de la souplesse, l’improvisation ou l’implication de toustes à la cuisine.
  • Dans la continuité : chaque personne, quelle que soit sa durée de séjour, s’occupe du service (mettre en place les plats, les carafes d’eau sur les tables, faire la vaisselle de la cuisine, etc.). Et ce, au sein d’une équipe de 4, à raison d’un repas par semaine. Les personnes responsables nous inscrivent sur l’un des créneaux, et nous tiennent au courant. Là encore, on favorise la certitude que la tâche soit faite, et bien faite, en temps et en heure ; plutôt que la liberté individuelle de s’inscrire où on le souhaite. On favorise le respect des horaires, même si cela implique une certaine hiérarchie.

À la Caserne Bascule, c’est très différent : n’importe qui peut faire la cuisine. Les menus ne sont pas fixés à l’avance : on choisit ce qu’on cuisine, sur le moment, en fonction des ingrédients disponibles. Pour la cuisine et le rangement cuisine, tout fonctionne en auto-gestion : un tableau visibilise les tâches à réaliser et le nombre de personnes nécessaires. On s’inscrit, en autonomie, en bonne intelligence collective et individuelle. Et parfois, c’est vrai, le repas est servi 1 heure en retard. Ici, on priorise les valeurs de la responsabilisation et souveraineté individuelles, l’intelligence collective, le fonctionnement horizontal et la spontanéité. On favorise aussi la récupération pour la nourriture, ce qui veut dire qu’on n’a pas toujours les ingrédients choisis à l’avance. Parfois, aux dépens de la régularité, du respect des horaires.

Pas de bon ou mauvais : juste, une conscience nécessaire

☀ Parole de scribe : il n’y a pas de bonne ou de mauvaise organisation. Je ne jette pas la pierre à l’une ou l’autre de ses méthodes (et j’espère que ma préférence ne transparait pas trop 😉 ). Simplement, il me semble indispensable de conscientiser ces valeurs collectives, surtout lorsqu’on souhaite créer ou rejoindre une communauté. Car, ces valeurs et tout ce qui en découle, n’apparaissent pas forcément dans la raison d’être.

Bref… Au fil des immersions, je vois grandir en moi de la clarté sur les valeurs collectives qui me parlent et m’appellent le plus. Sur ce qui me correspond, ou pas. Le tout, en restant ouverte à ces différents fonctionnements.

25/10 – La théorie

J’ai une théorie : dans chaque collectif, il y a un Guillaume. Au moins un. Forcément un.

J’ai trouvé le Guillaume de l’Arche de Saint-Antoine. La théorie est sauve. L’enquête continue…

26/10 – Jardiner avec les 5 sens

Jardiner fait partie de ces quelques activités qui se savourent avec les 5 sens.

La vue

D’insectes aux dessins fabuleux, de feuilles aux nervures créatives, de fleurs aux couleurs chatoyantes…

L’odeur

De plantes et légumes parfumés, de la terre sous nos pieds…

Le son

Des oiseaux qui chantent, Du clocher qui sonne, De la terre meuble dont la racine s’arrache, De la pluie contre la serre ou l’imper…

Le toucher

Meuble de la terre, Soyeux, râpeux ou piquant des feuilles, Chaud du compost qu’on étale…

Le goût

Bien sûr, de la bouche qui salive à l’idée des plats cuisinés, ou déjà, du fruit volé, du plaisir accordé, entre deux récoltes…

Et dans tout ça, la joie enfantine.

De porter des bottes à fleurs. De mettre les mains dans la terre, de se salir les doigts. De découvrir une surprise sous une feuille. Un terrier. Un scarabée coloré. De récolter.

Et la paix.
D’être là. Juste là. Avec ses 5 sens.

27/10 – La joie ou la présence ?

J’observe qu’ici, il y a peu de joie exaltée. Peu de rires qui raisonnent dans les couloirs ou la salle à manger. Parfois, j’ai presque peur de déranger quand je ris fort ou que je fais une blague. Certes, il y a des rires calmes dans les discussions informelles, les temps personnels. Mais pas tellement dans le quotidien communautaire. Ça n’a pas l’air dans la culture de ce groupe. Ici, on partage plutôt des temps en pleine présence, des sourires doux et sincères, des discussions authentiques.

Pourtant, je ne doute pas que les habitant.e.s ont de la joie et du bonheur. Mais sûrement, de manière plus intériorisée, posée, paisible.

Alors, je me pose la question. Est-ce par volonté de cultiver la présence, à soi et au monde ? Est-ce la régularité des temps spirituels qui calme cette énergie plus explosive de rire ? Est-ce que les habitudes ont créé cette énergie douce, ou est-ce que le rythme de l’Arche a attiré des personnes déjà calmes ?

Et puis surtout, je me demande maintenant… Est-ce qu’on peut partager un quotidien à la fois spirituel, en présence ; et joyeux, expressif ? Ou… Est-ce incompatible ?

28/10 – Sur la joie (suite)

Je comprends mieux, après l’avoir vécu quelques jours et échangé avec des habitant.e.s, le rapport à la joie pétillante et la célébration.

  • On cultive plutôt une joie douce, intérieure et équilibrée dans le temps. Un sentiment de paix. Plutôt qu’une joie explosive, qui fait parfois un effet feu de paille et s’éteint dès que le moment est fini. Ici, on cultive la douce joie d’être ensemble, de contribuer, de nourrir sa spiritualité, etc.
  • Le peu de joie très démonstrative ou de célébration à grands applaudissements est volontaire : l’Arche de Saint Antoine est un lieu de ressourcement, de refuge pour de nombreuses personnes . C’est aussi un lieu où on vient rencontrer son intériorité, se questionner ou évoluer personnellement. Cette posture est facilitée (voire, permise) par le calme qui emplit les murs. Ici, on a l’espace pour penser.
  • Les personnalités « clown » du collectif ne prennent pas le dessus du le groupe : elles font de l’humour dans l’espace qui leur est donné, sans se mettre en spectacle devant toustes – ce qui peut empêcher d’autres personnes de s’exprimer.
  • Il y a de la joie, du rire et de la célébration dans les temps informels, les moments auto organisés.
  • La fête est également un pilier de la communauté de l’Arche de St Antoine ! 4 grandes fêtes rituelles sont organisées dans l’années, auxquelles s’ajoutent deux fêtes traditionnelles plus légères, une soirée danse par semaine, et d’autres célébrations ponctuelles.

Avec le temps passé ici, je sens en effet quelque chose se poser en moi. Après tous les mouvements, déplacements et rencontres depuis le début de mon voyage… Le calme ici m’apaise. Le rythme régulier, quotidien, est reposant. Après tout, c’est aussi la quête de simplicité, inscrite parmi les principes fondateurs du lieu.

29/10 – Vertigineux d’histoire

En étant dans ce lieu, je me relie à quelque chose de… Vertigineux. Vertigineux d’histoire.

Des murs dont la construction a commencé au XIIe siècle. Des pièces qui ont vu passer des religieux gardiens des reliques de Saint-Antoine, des pèlerins venus se recueillir auprès de ces symboles, des enfants en internat sous la surveillance de prêtres… Avant de céder la place, en 1987, à la communauté de l’Arche.

Des valeurs socles, héritées de la rencontre entre Lanza del Vasto avec Gandhi. Des textes fondateurs qui ont donné naissance au mouvement des Arches, en 1948, dans lequel s’inscrit la communauté de Saint-Antoine. Un cadre, tellement travaillé, développé au fil des années. Ce cadre que je questionnais au début sur certains points, que j’avais du mal à saisir… Et dont maintenant, en ayant lu des textes fondateurs, je comprends le sens. Des membres fondateur.rices (13 adultes et 11 enfants), qui ont récupéré l’abbaye en piteux état, ont réaménagé une centaine de pièces et libéré du torchis les pierres et leur histoire.

Des membres engagé.e.s, qui ont construit, développé, amélioré la communauté. Des générations qui ont grandit et se sont succédées entre ces murs. Des enfants, déjà, qui sont né.e.s là-bas, ont grandi, éventuellement quitté le nid et gardé un lien.

Je prends conscience de tout cet héritage qui a permis que je sois là aujourd’hui, à découvrir cette communauté. Tout cet héritage, de plus de 36 ans à l’heure où j’écris ces lignes.

36 ans de vie communautaire… Jusqu’à aujourd’hui.

Aujourd’hui, l’Arche de St-Antoine réunit 4 générations sous le même toit. Le mouvement se poursuit hors des murs, avec toustes les enfants de l’Arche qui ont quitté le nid, toutes les personnes engagées sans vivre dans l’abbaye, toutes les personnes dont l’Arche est un refuge régulier… Et toutes celles qui passent 1 semaine, 1 mois, 1 an, pour repartir ensuite diffuser les valeurs de l’Arche dans leur entourage.

Émouvant, et vertigineux.

30/10 – Le rappel

Toutes les heures, la cloche de l’Abbaye sonne. Pour les membres de la communauté, cela sonne l’heure du rappel.

On s’arrête, pour quelques minutes. On s’arrête, pour quelques respirations.

On s’arrête quelques instants pour revenir à soi. Se reconnecter au moment présent, aux sensations, au sens de la tâche que je réalise.

Parfois, ces quelques respirations suffisent à apaiser une tension qui se construisait, ou une discussion enflammée. Elles suffisent à faire baisser le niveau sonore, à ramener du calme et de l’écoute.

Chaque personne vit ce rappel de sa propre manière. En tout cas, j’ai discuté avec plusieurs membres qui, même en dehors de l’Arche… Continuent à faire ce rappel. Même si cela implique d’aller se cacher dans les toilettes de son entreprise !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.