L’Arche de Saint-Antoine : vie communautaire et spirituelle (Isère)

Je vous partage mon expérience à l’Abbaye de Saint-Antoine, un écolieu communautaire et spirituel dans l’Isère. J’ai adoré découvrir ce collectif créé en 1987 : un héritage riche d’évolutions et d’apprentissages !

🙋‍♀️ Cette immersion s’inscrit dans un voyage à la découverte de différents écolieux en France. Juste avant, j’étais chez Graines de Buisson, ferme de maraîchage et plantes médicinales.

Je glisse des émojis dans l’article pour que tu ne manques pas les plus beaux apprentissages :

💡 Une bonne idée à tester !
☀ Un principe clé de réussite.
📗 Une ressource à creuser.

Présentation de la maison d’accueil et de vie communautaire : l’Arche de Saint-Antoine

Nom : L’Arche de Saint-Antoine

L’abbaye de saint-antoine
Une jolie vue depuis ma fenêtre !

🧭 Raison d’être : Une maison d’accueil, animée par une communauté vivant sur place, dont la direction de vie est la non-violence comme philosophie et outil de transformation de soi et de la société.

📍 Localisation : Saint-Antoine l’Abbaye, Isère.

📅 Année de création : L’Arche de St-Antoine fait partie de la communauté internationale de l’Arche — Non-Violence et Spiritualité, fondé en 1948 par Lanza del Vasto. L’Abbaye de Saint-Antoine est reprise en 1987, par un groupe de 13 adultes et 11 enfants, issus d’un autre lieu de l’Arche. Ils et elles vont réaménager les lieux, innoccupés depuis 14 ans, pour permettre rapidement de remplir leur première mission : l’accueil.

👥 Nombre de personnes : une cinquantaine de personnes vivent ici, sur le moyen (quelques mois) ou long terme (plusieurs années).

🏡 Exemples d’espaces : bibliothèque, braderie (prêts et dons de vêtements), chapelle (où se déroulent les temps de méditation et d’office chrétien), jardin médicinal, verger et potager, différentes salles pour accueillir des temps communautaires et des stages de l’extérieur, parquet de danse, hôtellerie avec 99 chambres…

🛌 Opportunités d’accueil : stage communautaire (similaire au wwoofing), stage libre (en gîte), participation à un stage ou formation accueilli à l’Arche.

💰 Modèle économique : location des salles et de chambres en pension complète, pour l’accueil de stages, de formations ou nuitées en gîte. Les habitant.e.s du lieu y travaillent toustes.

💡 L’idée à emporter : la place de la spiritualité au quotidien. Par exemple, le matin, les membres de la communauté se retrouvent pour la salutation de la paix. Un simple geste pour rencontrer et accueillir chaque personne présente. Autre exemple : régulièrement, une cloche sonne. Alors, tout s’arrête. Les paroles, les mouvements, l’urgence intérieure. On s’arrête un instant pour respirer et revenir au moment présent… Je vous raconte plus en détail une journée type dans le journal de bord, au 23 octobre !

Fonctionnement d’un écolieu spirituel : l’exemple de l’Arche

La vocation de la communauté de Saint-Antoine, spirituelle et non-violente

La vocation de l’Arche de Saint-Antoine se décline en 5 axes.

  1. “L’accueil des pèlerins de notre époque”. Celles et ceux qui cheminent pour trouver un sens à leur vie, et/ou pour enrichir leur vie spirituelle. L’accueil est une valeur très forte de cette communauté : accueillir chaque personne comme elle est, offrir un cadre chaleureux et une nourriture de qualité – tant physique que spirituelle.
  2. “Le travail de reconstruction de la personne”. La vie en communauté amène à prendre conscience de soi-même, à travailler sur ses blocages, etc. Et ce cheminement est indispensable pour vivre en communauté ! Par ailleurs, l’Arche de Saint-Antoine défend, comme héritage de la non-violence de Gandhi, que “transformation personnelle et transformation sociétale sont liées comme les deux faces d’une même monnaie”.
  3. “Le travail sur la relation”. Vivre en communauté est également un espace privilégié pour apprendre à accepter l’autre, à écouter, à s’exprimer, à gérer les différends et conflits, etc. À l’Arche, on souhaite construire des relations fondées sur la non-violence et la joie du vivre-ensemble.
  4. “L’approfondissement spirituel”. La communauté est rythmée par des rituels religieux et spirituels. Les membres choisissent d’approfondir collectivement la spiritualité chrétienne, tout en ouvrant ses portes à toute autre croyance.
  5. “La transmission de nos valeurs et expériences”. “Une communauté n’a de sens que si elle est au service du bien commun”, affirme la raison d’être de l’Abbaye de St-Antoine. Ainsi, la communauté expérimente quotidiennement un autre modèle de société… Et s’ouvre au monde pour transmettre cette nouvelle réalité et les outils, pratiques ou philosophies qui la soutiennent.

Au quotidien, différents principes donnent vie à ces vocations, tels que :

  • La non-violence, nourrie dans tous les aspects de la vie.
  • Le service, le partage et le travail : les membres de la communauté sont interdépendant.e.s. S’impliquer au quotidien assure la pérennité et la sérénité du collectif.
  • Simplicité de vie, qui s’exprime tant dans le travail manuel que les possessions matérielles.
  • Cohérence (que ce que je fais correspond à ce que je dis et pense) et responsabilité (je suis responsable de ma vie, de mes actes).
  • Solidarité, dans l’accueil comme dans l’entraide entre habitant.e.s.
  • Etc.

La gouvernance partagée – un fonctionnement en amélioration depuis plus de 70 ans !

La communauté de l’Arche expérimente la gouvernance partagée depuis les années 50’ – à une époque où elle était beaucoup moins connue, documentée, explorée et acceptée qu’aujourd’hui. C’était même radicalement novateur, et d’autant plus dans le milieu religieux dans lequel s’inscrit l’Arche. Je trouve passionnant de revenir sur 70 ans d’expérimentation de la gouvernance partagée, voir les valeurs fondatrices et l’évolution du fonctionnement dans le temps.

Historiquement, l’Arche de St-Antoine prenait ses décisions à l’unanimité. C’est-à-dire que chaque personne engagé·e·s pouvait s’exprimer, jusqu’à trouver une décision commune, pour laquelle tout le monde était d’accord. Et ce, pour les sujets structurants, comme pour les décisions du quotidien ! En 2005, la communauté intègre des changements profonds de sa gouvernance. En particulier, les décisions structurantes sont maintenant prises au consensus : la décision est prise même si certaines personnes s’abstiennent ou ne s’expriment pas. Certaines décisions peuvent alors être prises en groupes réduits, par des personnes mandatées (c’est-à-dire qu’on leur a accordé la confiance de décider et agir, sur un périmètre donné) : ce sont les commissions.

  • La gestion du projet est divisée en commissions thématiques : accueil, jardin, etc. Chaque commission possède un·e responsable, qui se fait porte-parole lors des réunions inter-cercles.
  • Le Cœur est la commission regroupant les personnes postulantes et engagées. Lors des cercles de concertation, ce groupe prend les décisions structurantes – en particulier, l’acceptation ou non des personnes postulantes, et les usages ou travaux des bâtiments. Cette commission prend finalement peu de décisions. En revanche, elle se réunit très régulièrement pour des temps de partage, de concertation, ou encore d’écoute des différents avis pour aider les prises de décision.
  • Une Maîtresse de Maison est garante de préserver la raison d’être, les valeurs et l’essence du projet.
  • Selon le niveau d’importance du sujet, les décisions sont prises individuellement, remontées en commission, discutées en cercles inter-commission, ou prises par le Cœur.
  • Chaque année, la communauté organise un temps de refonte des commissions, pour permettre les changements éventuels.
  • Pour rejoindre une commission, il faut s’engager pour minimum 1 an sur le lieu (long stage).


  • Toutes les deux semaines, la Maîtresse de Maison, les responsables de commissions et toute personne qui le souhaite (y compris les séjours courts !) assistent à une réunion globale.
  • Les différents cercles y partagent leurs avancées, sujets en cours et décisions récentes.
  • On rappelle et co-construit ensuite le planning des deux prochaines semaines.
  • Les personnes nouvellement arrivées se présentent.
  • On ouvre un espace de partage, ou chaque personne peut dévoiler son vécu ou ses souvenirs des dernières semaines.
  • Ensuite, le collectif fait un point sur les actions d’engagement non-violent – passées, en cours et à venir. Puis partage des informations diverses.
  • Enfin, on termine par un temps de gratitude et de reliance.

Le soin du collectif et ses individus

“Notre vie communautaire est vécue dans un esprit de service et de partage, et soutenue par un rythme communautaire qui allie des temps de travail, des temps spirituels, le partage des repas et de soirées, […], des cercles de parole, le chant, la danse, les fêtes…” Texte affiché à l’Arche de Saint-Antoine.

La communauté de l’Arche accorde beaucoup d’importance au soin. Soin des relations, des individus, des lieux, etc. Plusieurs rituels incarnent cette valeur. Cela soutient la pérennité du projet, mais aussi les transformations personnelles et sociales défendues dans la raison d’être.

  • 4 fois par an : une demi-journée de régulation émotionnelle. C’est un temps pour se retrouver, faire le point avec les autres, exprimer et apaiser les conflits ou tensions s’il y en a. Ce moment est suivi d’une grande fête ! Les moments de célébration sont intimement liés à la vie communautaire de l’Arche, qui ne saurait s’en passer.
  • Chaque semaine : une soirée danse du monde en cercle, pour entretenir la convivialité, la fête, la joie et la connexion (à soi, au groupe, et au-delà).
  • Chaque semaine ou deux fois par mois : des cercles de partage entre les personnes qui ont le même “statut” : séjour court, séjour moyen, séjour long, postulant·e·s et engagé·e·s. C’est un espace d’écoute bienveillante, où chaque personne peut déposer comment elle se sent, et écouter les autres.
  • D’autres occasions informelles pour faire communauté, créer du Nous, tisser les liens : les temps de travail (quand on passe une demi-journée ensemble, à casser des noix ou éplucher les légumes, on a le temps de discuter !), les repas, les fêtes prévues ou informelles, etc.
  • Chaque jour : les temps spirituels rythment le quotidien et soudent le collectif. La salutation de la paix, durant laquelle on se réunit pour saluer chaque personne présente ; les méditations et prières.

« La communauté, c’est trois manières de conjuguer le verbe être : je suis, tu es, nous sommes. » Charles Legland, 1990

Au moment de mon voyage, une nouvelle génération se faisait de plus en plus entendre par les habitant·e·s de longues dates. Ainsi, certaines traditions ou habitudes évoluent progressivement, permettant au collectif de rester “dans l’air du temps”, tout en conservant son identité et ses valeurs. Lors de mon séjour, c’est l’égalité femme/homme et l’inclusivité du lieu qui étaient en pleine transformation. Un challenge, où l’équilibre est aussi important que difficile à trouver ! À quel rythme évoluer ? En commençant par quoi ? Comment impliquer en emmener toute la communauté dans ces évolutions ?

« Deux attitudes sont vitales :

  • l’acceptation par ceux qui rentrent de s’insérer loyalement et humblement dans une histoire ;
  • L’acceptation par ceux qui y sont déjà que l’histoire puisse continuer autrement. » Charles Legland, 1990
Le potager coloré de l’Arche de Saint Antoine
Le potager coloré de l’Arche de Saint Antoine

Qui vient à l’Arche, et pourquoi ?

Au cours de mon séjour, j’ai écouté différents témoignages de personnes qui viennent et reviennent à l’Arche. Chacun, chacune a ses raisons intimes, son chemin de vie qui l’amène à séjourner à l’Abbaye. Chacun, chacune trouve au cours de son passage, l’un ou l’autre de ces trésors :

  • la qualité de présence ;
  • la vie spirituelle ;
  • la vie communautaire ;
  • les rencontres, grâce à l’accueil ;
  • un lieu de refuge, de ressourcement ;
  • le travail manuel, source d’apprentissage, d’humilité ou de temps méditatif ;
  • etc.

Pour trouver ça, certaines personnes s’engagent toute une vie, tandis que d’autres passent quelques jours.

“Nous avons choisi une vie simple, de partage et d’approfondissement spirituel. Cet engagement constitue à la fois un outil de transformation de soi, et un appel à la transformation de la société.”

Site de l’Arche de St-Antoine
Photos des habitants et habitantes de l’Arche de Saint Antoine

Ainsi, la communauté de l’Arche de Saint-Antoine se compose, environ, de :

  • 25 habitant.e.s permanent.e.s, qu’on appelle “Les Engagé.e.s”. Certaines personnes sont là depuis plus de 30 ans !
  • Une dizaine de personnes séjournant 1 à 3 ans.
  • Une dizaine de personnes séjournant quelques mois.
  • Et, presque en continu, l’accueil de stages de quelques jours à quelques semaines.

Au total, vivre à l’Arche, c’est vivre avec environ 60 personnes. Certains jours, on était 120, 130 ou même 140 personnes à évoluer entre les murs de cette belle abbaye.

Vivre sa vie à l’Arche de St-Antoine : les engagé.e.s

« S’engager à l’Arche, c’est comme un mariage. Tu t’engages à traverser ensemble le bon comme le mauvais. Mais si ça ne te convient plus, tu peux divorcer. »

Une postulante de l’Arche.

Le processus d’entrée

Pour vivre à l’Arche, il y a tout un processus bien défini.

  1. Venir en court stage, une ou deux semaines, pour une première prise de contact.
  2. Passer un moyen (quelques mois) et un long stage (1 an), permettant d’expérimenter la vie à l’Arche et lier des relations avec ses membres. L’acceptation d’un long stage est une décision prise par objection (communément appelé : gestion par consentement) – c’est-à-dire qu’aucun.e engagé.e ne doit poser une objection à cet accueil.
  3. Se lancer dans un postulat, qui dure 3 ans. L’acceptation d’un postulat est une décision prise à l’unanimité parmi les engagé.e.s.
  4. Au bout de la 2e année de postulat, les engagé.e.s actuels donnent leur réponse : oui, ou non pour t’accueillir parmi nous. C’est une décision prise à l’unanimité. Si c’est oui, la personne postulante a 1 à 2 an pour réfléchir et donner sa réponse.
  5. Le processus inclut ensuite un parcours d’engagement aux valeurs et principes de l’Arche de Saint-Antoine.

Une membre postulante me partage qu’il n’y a pas de critères d’acceptation à proprement parler : tout est une question d’élan du cœur, de ressenti. Est-ce qu’on se sent bien avec cette personne ? Est-ce qu’on veut vivre avec elle ? La seule demande est d’être sur un chemin spirituel – chrétien ou non – et d’adhérer aux valeurs de la communauté.

Un système monétaire spécifique, incarnant la simplicité et le partage

Chaque personne qui séjourne à l’Arche pour plusieurs mois ou années travaille à l’Arche. Elle travaille sur le lieu, et pour le lieu, lors des temps de travail communautaire.

Lorsqu’une personne s’engage à vivre à l’Arche, elle entre dans le système monétaire, lui-même précisément établi.

  • Tous les revenus des foyers engagés (retraite, CAF, rente, etc.) sont mis en commun.
  • Ils sont ensuite redistribués en fonction du nombre de personnes dans le foyer et du nombre d’enfants. Une personne par foyer est payée, avec des fiches de paie. Cela ouvre ainsi les droits à la retraite et autres dispositifs sociaux. Certains ajustements sont également possibles pour s’adapter aux situations personnelles de chacun.e (exemple : permettre un aller-retour annuel à l’étranger si la famille est éloignée, financer les études des enfants, etc.). Cela assure que chaque personne sur le lieu a le même niveau de vie.
  • En revanche, on ne donne pas ses biens pour rejoindre la communauté. C’est important pour que chaque personne garde son autonomie et la possibilité de quitter la communauté en toute sécurité, si elle le souhaite. Tous les ans, les membres se réunissent pour partager, en toute transparence, l’étendue de leurs biens personnels (maison, voiture, etc.).

Impact extérieur : la non-violence comme combat quotidien

« La communauté n’est pas un but, elle est un moyen. […] La communauté est faite pour être au service de son temps, comme moyen de transformation personnelle et sociale. Une communauté doit être au service. » Margalida Reus, 2018

Pourquoi je veux vivre en collectif ? Dans cette Abbaye, la communauté est un vecteur de transformation personnelle et sociale. Le lieu et ses membres s’engagent dans la non-violence, au quotidien ou lors d’actions ponctuelles.

« L’action non-violente se définit comme une action collective concertée, visant à provoquer chez l’autre (personne, groupe, institution) une prise de conscience de l’injustice vécue dans le conflit qui nous oppose, en vue d’un changement pour plus de justice. L’action non-violente exige le recours à des moyens constructifs et défensifs qui respectent toujours l’intégrité et la dignité des personnes. » Texte de l’Arche de Saint-Antoine.

Vision de la non violence à l’Arche : une éthique, une stratégie politique, une façon de relationner, une posture personnelle
La vision de la non-violence à l’Arche

La communauté de St-Antoine s’engage dans la non violence via quatre axes principaux.

  • La vie spirituelle et communautaire, au quotidien. Les membres la vivent comme un puissant chemin de transformation, qui aide à remettre en question les injustices systémiques, et à sortir de l’impuissance face à celles-ci. « [Nous étions] conscients que la plus grande action non-violente était néanmoins de faire vivre la communauté, en tant qu’alternative au modèle de société fondé sur l’esprit de possession, profit et domination, source de toutes les violences. » Recueil d’expériences communautaires de l’Arche
  • Les actions non-violentes. Collectivement ou individuellement, les membres participent à différentes actions militantes non-violentes – par exemple l’accueil de personnes sans papier, l’accueil d’associations, l’engagement dans des mouvements contre différentes guerres et de soutien des victimes, etc.
  • Le partage de leurs valeurs, leur quotidien et leurs convictions, par l’accueil. L’accueil, inclusif et chaleureux, est une valeur très forte de la communauté. Ça passe souvent en priorité dans les prises de décision et la distribution des tâches : que la maison soit agréable, harmonieuse, chaleureuse ; que les repas soient savoureux et équilibrés, etc. Un large public découvre ainsi la vie communautaire et spirituelle, en participant à une session organisée à l’Arche. Par ailleurs, la communauté héberge des stages et formations sur des thématiques ciblées : connaissance de soi, pour prendre sa vie en main ; art et expression de soi ; approfondissement spirituel ; disciplines corporelles et énergétiques.

Par ailleurs, l’esprit de la communauté respire hors des murs de l’abbaye !

  • 50 engagé·e·s de l’Arche qui ne vivent pas dans l’abbaye – dont 28 installés dans le village. Auxquelles s’ajoutent de nombreuses personnes du territoire qui viennent régulièrement se ressourcer et s’impliquer dans la communauté.
  • Pour le village de Saint-Antoine : une nouvelle dynamique grâce aux nombreuses personnes qui s’y installent pour se rapprocher de l’oasis, une école maintenue grâce aux nombreux enfants qui grandissent à l’Arche, plusieurs associations soutenues par les membres de l’abbaye… Et Pierre, adjoint au maire, est un engagé de la maison communautaire !

Journal de mon immersion dans cette abbaye d’accueil

23/10 – Une journée à l’Arche de St-Antoine

À l’Arche de Saint-Antoine, la vie est rythmée par des temps communautaires et spirituels. Tous sont facultatifs. Chacun, chacune y participe en fonction de ses besoins, ses ressources, ses envies. Le tout, musicalement jalonné par les cloches de l’Abbaye, située juste derrière la maison.

8 h : après le petit-déjeuner, la journée commence par un temps de méditation collectif.

Le groupe se retrouve ensuite dans une salle pour ☀ la salutation de paix : quelques minutes partagées, en silence, pour se voir, s’accueillir, se reconnaître. On passe devant chaque personne présente. On partage un regard, yeux dans les yeux. Et on se salue, d’un simple mouvement, mains en prière contre le cœur et tête qui se baisse… Avant de partir à la rencontre de la personne suivante. Un temps qui semble court et simple, mais qui est pourtant particulièrement important pour la communauté. Ce geste rituel et spirituel permet de commencer la journée en prenant soin des relations et du groupe.

Le cœur léger et ouvert, je me dirige alors vers la cuisine. 8 h 40 : c’est le temps des pluches !

Nous voilà une vingtaine, affairés à éplucher patates, courges, carottes, navet ou encore aromates. Les légumes du jardin, en majorité. Parfois en silence. Parfois en rencontre.

💡 Quand soudain, le son délicat d’une cloche retentit. Tout s’arrête. Les couteaux se posent, les mains se détendent, les voix s’arrêtent, les yeux se ferment, parfois… Je mets quelques secondes avant de comprendre. On s’accorde quelques minutes pour être ici et maintenant, pour respirer…

Jardin de l’arche de st antoine : une arche en pierre, une large cloche en métal, gagnées par la végétation

Nouveau son de cloche, et les actions reprennent. Comme si de rien de n’était. Quoique, les voix sont un peu plus basses, les cœurs un peu plus calmes, les gestes un peu plus paisibles.

Au bout d’une heure, les volontaires quittent la cuisine. Jusqu’à 10 h, c’est l’office chrétien. Habitants et habitantes se retrouvent dans la chapelle pour échanger prières et chants religieux.

À 10 h, on se donne RDV dans la salle à manger pour 💡 la distribution des tâches. Chaque personne exprime les besoins pour son pôle de responsabilité : nombre de personnes, et tâche à effectuer. Entretien du potager, cueillette des légumes, garderie pour les enfants, repassage du linge de l’espace hôtellerie, nettoyage des espaces communs, poursuite des pluches… À main levée, on distribue alors les missions. Efficace : en 5 min, nous voilà prêt.e.s à offrir notre temps à la communauté ! Pour moi, ce matin, c’est séparation des pistils de safran.

Le temps de travail dure jusqu’à midi. Le repas est ensuite servi, à 12 h 15. Il débute par une bénédiction (non religieuse) puis une présentation des plats. On profite d’être réuni.e.s à table pour faire des annonces, s’il y en a.

À 14 h 15, un deuxième temps de méditation est proposé. Aujourd’hui, une petite dizaine de personnes partagent ce temps de silence…

14 h 45 : deuxième distribution des tâches, qui dureront jusqu’à 18 h.

À 18 h 30, la journée se clôture par une prière communautaire du soir. Chaque soir, on se relie à une religion différente (hindouisme, bouddhisme, islamisme, etc.) Ce temps est aussi l’occasion d’accueillir les personnes nouvellement arrivées.

Le dîner est servi à 19 h. Il peut être suivi de propositions communautaires, comme une projection de film. Tous les mardis, la communauté se retrouve pour une initiation aux danses traditionnelles du monde, en cercle. Le samedi soir, c’est soirée danse et festive, pour mettre tout ça en pratique !

24/10 – Le quotidien : miroir des valeurs du collectif

Comparer les collectifs, pour en comprendre les valeurs piliers

L’Arche de St-Antoine, c’est déjà le 4e collectif que je découvre dans son quotidien et son organisation humaine.

Alors, je peux déjà identifier des différences, percevoir des choix et leurs origines. Je sens que je pose des questions plus ciblées sur tel ou tel enjeu de la vie en communauté.

Surtout, je vois grandir en moi un esprit critique. Une ouverture des possibles qui me permet de toucher du doigt les valeurs collectives, retranscrites dans chaque fonctionnement du quotidien.

  • Est-ce que la communauté valorise la régularité et le rituel, comme ici à l’Arche ; ou plutôt la spontanéité et le fonctionnement organique, comme à la Caserne Bascule ?
  • L’ouverture inclusive et systématique, comme au Château de Magny, ou l’engagement profond de chaque habitant.e.s qui rejoint le projet, comme à l’Arche ?
  • La joie et le rire, comme à la Casba, ou la présence et la spiritualité, comme à l’Arche ?
  • Comment l’accueil de groupe et l’ouverture extérieure s’articulent avec la vie et le quotidien des habitant.e.s ?

Vient dans mon sac à dos, à la rencontre des écolieux et collectifs : retrouve tous les articles ici !

L’organisation des repas : quelles valeurs on priorise ?

☀ Je trouve ça fascinant comme, parfois, une simple habitude du quotidien dévoile et incarne ces valeurs.

Par exemple :

  • À l’Arche de Saint-Antoine, on mange toujours aux mêmes horaires. À 5 minutes près, le repas est toujours servi à l’heure. Et quand on cuisine pour 50, voire 100 ou 120 personnes : ça relève de l’exploit. En coulisses, ça traduit une forte valeur de régularité, de qualité d’accueil, de ritualisation du quotidien. Ça traduit également une organisation bien rodée, et une responsabilité portée par les personnes restant suffisamment longtemps pour être formées à la cuisine selon les méthodes de l’Arche. Ceci, peut-être, aux dépens de la souplesse, l’improvisation ou l’implication de toustes à la cuisine.
  • Dans la continuité : chaque personne, quelle que soit sa durée de séjour, s’occupe du service (mettre en place les plats, les carafes d’eau sur les tables, faire la vaisselle de la cuisine, etc.). Et ce, au sein d’une équipe de 4, à raison d’un repas par semaine. Les personnes responsables nous inscrivent sur l’un des créneaux, et nous tiennent au courant. Là encore, on favorise la certitude que la tâche soit faite, et bien faite, en temps et en heure ; plutôt que la liberté individuelle de s’inscrire où on le souhaite. On favorise le respect des horaires, même si cela implique une certaine hiérarchie.

À la Caserne Bascule, c’est très différent : n’importe qui peut faire la cuisine. Les menus ne sont pas fixés à l’avance : on choisit ce qu’on cuisine, sur le moment, en fonction des ingrédients disponibles. Pour la cuisine et le rangement cuisine, tout fonctionne en auto-gestion : un tableau visibilise les tâches à réaliser et le nombre de personnes nécessaires. On s’inscrit, en autonomie, en bonne intelligence collective et individuelle. Et parfois, c’est vrai, le repas est servi 1 heure en retard. Ici, on priorise les valeurs de la responsabilisation et souveraineté individuelles, l’intelligence collective, le fonctionnement horizontal et la spontanéité. On favorise aussi la récupération pour la nourriture, ce qui veut dire qu’on n’a pas toujours les ingrédients choisis à l’avance. Parfois, aux dépens de la régularité, du respect des horaires.

Pas de bon ou mauvais : juste, une conscience nécessaire

☀ Parole de scribe : il n’y a pas de bonne ou de mauvaise organisation. Je ne jette pas la pierre à l’une ou l’autre de ses méthodes (et j’espère que ma préférence ne transparait pas trop 😉 ). Simplement, il me semble indispensable de conscientiser ces valeurs collectives, surtout lorsqu’on souhaite créer ou rejoindre une communauté. Car, ces valeurs et tout ce qui en découle, n’apparaissent pas forcément dans la raison d’être.

Bref… Au fil des immersions, je vois grandir en moi de la clarté sur les valeurs collectives qui me parlent et m’appellent le plus. Sur ce qui me correspond, ou pas. Le tout, en restant ouverte à ces différents fonctionnements.

25/10 – La théorie

J’ai une théorie : dans chaque collectif, il y a un Guillaume. Au moins un. Forcément un.

J’ai trouvé le Guillaume de l’Arche de Saint-Antoine. La théorie est sauve. L’enquête continue…

26/10 – Jardiner avec les 5 sens

Jardiner fait partie de ces quelques activités qui se savourent avec les 5 sens.

Mes petites bottes à fleurs pour jardiner joyeusement en écolieu !
Mes petites bottes à fleurs pour jardiner joyeusement en écolieu !

La vue

D’insectes aux dessins fabuleux, de feuilles aux nervures créatives, de fleurs aux couleurs chatoyantes…

L’odeur

De plantes et légumes parfumés, de la terre sous nos pieds…

Le son

Des oiseaux qui chantent, Du clocher qui sonne, De la terre meuble dont la racine s’arrache, De la pluie contre la serre ou l’imper…

Le toucher

Meuble de la terre, Soyeux, râpeux ou piquant des feuilles, Chaud du compost qu’on étale…

Le goût

Bien sûr, de la bouche qui salive à l’idée des plats cuisinés, ou déjà, du fruit volé, du plaisir accordé, entre deux récoltes…

Et dans tout ça, la joie enfantine.

De porter des bottes à fleurs. De mettre les mains dans la terre, de se salir les doigts. De découvrir une surprise sous une feuille. Un terrier. Un scarabée coloré. De récolter.

Et la paix.
D’être là. Juste là. Avec ses 5 sens.

Le terrain de maraichage de l’abbaye
Le terrain de maraichage de l’abbaye (et le beau temps d’octobre)

27/10 – La joie ou la présence ?

J’observe qu’ici, il y a peu de joie exaltée. Peu de rires qui raisonnent dans les couloirs ou la salle à manger. Parfois, j’ai presque peur de déranger quand je ris fort ou que je fais une blague. Certes, il y a des rires calmes dans les discussions informelles, les temps personnels. Mais pas tellement dans le quotidien communautaire. Ça n’a pas l’air dans la culture de ce groupe. Ici, on partage plutôt des temps en pleine présence, des sourires doux et sincères, des discussions authentiques.

Pourtant, je ne doute pas que les habitant.e.s ont de la joie et du bonheur. Mais sûrement, de manière plus intériorisée, posée, paisible.

Alors, je me pose la question. Est-ce par volonté de cultiver la présence, à soi et au monde ? Est-ce la régularité des temps spirituels qui calme cette énergie plus explosive de rire ? Est-ce que les habitudes ont créé cette énergie douce, ou est-ce que le rythme de l’Arche a attiré des personnes déjà calmes ?

Et puis surtout, je me demande maintenant… Est-ce qu’on peut partager un quotidien à la fois spirituel, en présence ; et joyeux, expressif ? Ou… Est-ce incompatible ?

28/10 – Sur la joie (suite)

Je comprends mieux, après l’avoir vécu quelques jours et échangé avec des habitant.e.s, le rapport à la joie pétillante et la célébration.

  • On cultive plutôt une joie douce, intérieure et équilibrée dans le temps. Un sentiment de paix. Plutôt qu’une joie explosive, qui fait parfois un effet feu de paille et s’éteint dès que le moment est fini. Ici, on cultive la douce joie d’être ensemble, de contribuer, de nourrir sa spiritualité, etc.
  • Le peu de joie très démonstrative ou de célébration à grands applaudissements est volontaire : l’Arche de Saint Antoine est un lieu de ressourcement, de refuge pour de nombreuses personnes . C’est aussi un lieu où on vient rencontrer son intériorité, se questionner ou évoluer personnellement. Cette posture est facilitée (voire, permise) par le calme qui emplit les murs. Ici, on a l’espace pour penser.
  • Les personnalités « clown » du collectif ne prennent pas le dessus du le groupe : elles font de l’humour dans l’espace qui leur est donné, sans se mettre en spectacle devant toustes – ce qui peut empêcher d’autres personnes de s’exprimer.
  • Il y a de la joie, du rire et de la célébration dans les temps informels, les moments auto organisés.
  • La fête est également un pilier de la communauté de l’Arche de St Antoine ! 4 grandes fêtes rituelles sont organisées dans l’années, auxquelles s’ajoutent deux fêtes traditionnelles plus légères, une soirée danse par semaine, et d’autres célébrations ponctuelles.

Avec le temps passé ici, je sens en effet quelque chose se poser en moi. Après tous les mouvements, déplacements et rencontres depuis le début de mon voyage… Le calme ici m’apaise. Le rythme régulier, quotidien, est reposant. Après tout, c’est aussi la quête de simplicité, inscrite parmi les principes fondateurs du lieu.

Berenice déguisée en lutin pour Halloween à l’abbaye !
Je me déguise en lutin pour Halloween à l’abbaye ! Youhou

29/10 – Vertigineux d’histoire

En étant dans ce lieu, je me relie à quelque chose de… Vertigineux. Vertigineux d’histoire.

Des murs dont la construction a commencé au XIIe siècle. Des pièces qui ont vu passer des religieux gardiens des reliques de Saint-Antoine, des pèlerins venus se recueillir auprès de ces symboles, des enfants en internat sous la surveillance de prêtres… Avant de céder la place, en 1987, à la communauté de l’Arche.

Des valeurs socles, héritées de la rencontre entre Lanza del Vasto avec Gandhi. Des textes fondateurs qui ont donné naissance au mouvement des Arches, en 1948, dans lequel s’inscrit la communauté de Saint-Antoine. Un cadre, tellement travaillé, développé au fil des années. Ce cadre que je questionnais au début sur certains points, que j’avais du mal à saisir… Et dont maintenant, en ayant lu des textes fondateurs, je comprends le sens. Des membres fondateur.rices (13 adultes et 11 enfants), qui ont récupéré l’abbaye en piteux état, ont réaménagé une centaine de pièces et libéré du torchis les pierres et leur histoire.

Des membres engagé.e.s, qui ont construit, développé, amélioré la communauté. Des générations qui ont grandit et se sont succédées entre ces murs. Des enfants, déjà, qui sont né.e.s là-bas, ont grandi, éventuellement quitté le nid et gardé un lien.

Je prends conscience de tout cet héritage qui a permis que je sois là aujourd’hui, à découvrir cette communauté. Tout cet héritage, de plus de 36 ans à l’heure où j’écris ces lignes.

36 ans de vie communautaire… Jusqu’à aujourd’hui.

Aujourd’hui, l’Arche de St-Antoine réunit 4 générations sous le même toit. Le mouvement se poursuit hors des murs, avec toustes les enfants de l’Arche qui ont quitté le nid, toutes les personnes engagées sans vivre dans l’abbaye, toutes les personnes dont l’Arche est un refuge régulier… Et toutes celles qui passent 1 semaine, 1 mois, 1 an, pour repartir ensuite diffuser les valeurs de l’Arche dans leur entourage.

Émouvant, et vertigineux.

30/10 – Le rappel

Toutes les heures, la cloche de l’Abbaye sonne. Pour les membres de la communauté, cela sonne l’heure du rappel.

On s’arrête, pour quelques minutes. On s’arrête, pour quelques respirations.

On s’arrête quelques instants pour revenir à soi. Se reconnecter au moment présent, aux sensations, au sens de la tâche que je réalise.

Parfois, ces quelques respirations suffisent à apaiser une tension qui se construisait, ou une discussion enflammée. Elles suffisent à faire baisser le niveau sonore, à ramener du calme et de l’écoute.

Chaque personne vit ce rappel de sa propre manière. En tout cas, j’ai discuté avec plusieurs membres qui, même en dehors de l’Arche… Continuent à faire ce rappel. Même si cela implique d’aller se cacher dans les toilettes de son entreprise !

31/10 – Valeurs affirmées = choix conscients

La communauté de l’Arche de Saint-Antoine est particulièrement impressionnante par sa taille et son ancienneté. Au fil des années, les valeurs se sont affirmées, ancrées dans les choix et principes de vie. Comme dans tout projet collectif, évidemment : il y a toujours un cadre, une culture de groupe, des choix. Simplement, ils sont plus ou moins conscients, et plus ou moins exprimés. De par son historique, l’Arche a affirmé et conscientisé ses choix. Et c’est parfois confrontant ! Car il y a des choix forts, inhabituels.

En arrivant, j’ai été marquée par le cadre, que j’ai presque trouvé trop rigide. Dérangée par la verticalité, la hiérarchie visible et affirmée. Les jours passants, j’ai mieux compris leur origine, leur utilité, leurs raisons.

Avoir des valeurs visibles et affirmées permet à chaque personne de savoir vraiment si le collectif lui correspond, donc de choisir en conscience si elle veut y vivre. “On ne peut pas plaire à tout le monde”, adage plus vrai que jamais quand on construit un écolieu. Et même : on ne doit pas plaire à tout le monde.

En voyant plusieurs collectifs, plusieurs modes de vie, j’apprends à observer les projets sous ce spectre : valeurs, cadre (implicite ou non), choix, etc. J’apprends à déceler ce que je souhaite, ce qui me plait et me correspond, ce qui m’apparait comme un inconvénient que je suis prête à accepter, ou au contraire ce qui ne correspond pas à mon éthique ou ce que je veux vivre.

Bien sûr, tout n’est pas rose !

Qui dit valeurs affirmées et choix tranchés, dit aussi possibilité de désaccord ! Et oui, c’est plus facile de se laisser berner par une culture qui ne nous convient pas, mais qui est dite à demi-mot.

Alors, j’ai voulu aussi partir en quête des inconvénients de la vie à l’Arche. Au fil de mes conversations, j’essayais de glaner quelques témoignages : quels choix sont faits ici, qui sont à tes yeux des inconvénients, ou que tu questionnes ?

  • La communauté fonctionne avec une certaine hiérarchie, chaque personne a un statut qui lui confère des droits et rôles, il y a beaucoup de règles.
  • Le travail est très cadré, souvent manuel, parfois répétitif.
  • La place des enfants n’est pas centrale, il n’y a pas tellement de réflexions pour sortir du fonctionnement classique.
  • L’écologie n’est pas une priorité, elle passe parfois après des habitudes ou la qualité de l’accueil. Par exemple, le bio n’est pas systématique, le projet maraichage utilisait jusqu’en 2023 des méthodes relativement conventionnelles, etc. En tout cas, jusqu’à maintenant ! Au moment de ma visite, de nouvelles personnes s’intégraient au projet de maraichage et production alimentaire… Avec la ferme intention d’instaurer des méthodes permacoles ! Mais, il subsiste des débat avec d’anciens habitants, qui n’en voient pas l’intérêt… Affaire à suivre !
  • Les réflexions autour de l’inclusivité queer et du féminisme ne sont pas encore abouti. Il y a un véritable cheminement entamé depuis quelques années, mais quelques difficultés subsistent. En autre, les traditions ont la vie dures, certaines séparant les femmes d’un côté et les hommes de l’autre ; par ailleurs, la vision du foyer familial reste assez classique, et la communauté queer est peu représentée et peu visible parmi les habitant.e.s actuelles.
  • Qui dit accueil, dit aussi beaucoup de passage. Certaines personnes regrettent de devoir survoler certaines relations, peinent à s’investir dans une rencontre qui ne durera que deux semaines, ou se fatiguent d’être constamment entourées de nouvelles têtes.
  • Une des spécificités de l’Arche, c’est qu’on rencontre l’autre dans son entièreté, dans tous les domaines de la vie. C’est un.e collègue et un.e coloc, on le/la rencontre dans sa vie amoureuse et spirituelle, etc. Bref, on cherche à vivre ensemble tout ce qui me semble important… Dans les bons côtés, comme dans les difficultés !
  • Et bien sûr, comme dans tout collectif, on rencontre parfois certaines tensions ou frustrations liées à l’organisation à plusieurs.

Autant d’inconvénients, en tout cas de choix tranchés, qui sont à mettre face aux avantages, et à adopter en conscience.

01/11 – Comment s’exprime la simplicité ?

“Vivre simplement, pour que d’autres puissent simplement vivre” Gandhi. Une citation fondatrice du mode de vie à l’Arche.

La simplicité est une des valeurs centrales de la vie à l’Arche. Cela se traduit de différentes manières au quotidien comme dans les fondations du projet. Voilà quelques exemples.

  • Venir vivre à l’Arche implique parfois de lâcher des postes à responsabilité, des carrières, un statut social, pour « se consacrer à une vie humble, où le travail des mains, que ce soit dans les champs, le bâtiment, la cuisine, les ateliers, la boulangerie, la ferme, la fromagerie, était essentiel… Un choix de simplification, de travail quotidien, de don de soi. »
  • Accepter des tâches répétitives, y trouver le plaisir par l’action avec présence et attention. Lors de mon séjour à l’Arche, j’ai passé des heures à casser des noix, à éplucher des légumes, à émonder des plantes médicinales ou à dépiauter les pistils de safran !
  • Limiter l’avoir, pour développer l’être. Ce qui est cadré par exemple par la rétribution financière des personnes engagées.
  • Cultiver le travail des mains et les savoir faire, pour limiter de plus en plus la dépendance à des services extérieurs. Cultiver sa propre nourriture, cuisiner de A à Z, produire savons, baumes et tisanes médicinales, rénover et construire de ses mains, etc.
  • Vivre un quotidien rythmé, ritualisé. Les journées se ressemblent, les horaires sont constants. Ce qui n’empêche pas de faire la fête, une des traditions fortes de la communauté !

02/11 – Grandir en communauté

J’ai croisé aujourd’hui un homme qui a grandi à l’Arche de Saint-Antoine. Il a maintenant une trentaine d’années. Alors, je prends la mesure du temps qui passe. Des générations qui se succèdent sur ce lieu magique. Je prends la mesure de l’impact que cela peut avoir sur une vie, de passer son enfance dans une abbaye, dans un collectif de 60 personnes.

Des enfants naissent à l’Arche, y grandissent, quittent le nid ou reviennent. Les générations se succèdent depuis 1987, et continueront à se succéder.

C’est vertigineux. Et ça me questionne : qu’est-ce que ça donne comme adulte, des enfants qui grandissent en communauté ? Qu’est-ce que ça change d’avoir, non pas un ou deux adultes référents, mais 20 exemples, 20 modèles ? Qu’est-ce que ça change de voir les adultes s’organiser ensemble, décider ensemble, prendre soin de leurs relations ?

C’est vertigineux.


Je repars finalement de l’Arche de Saint-Antoine, ressourcée par le rythme quotidien, inspirée par ce riche héritage de plus de 30 ans de vie en communauté, et portée par l’espoir que oui, on peut vivre une vie entière ensemble.

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