Au cours de mon voyage, j’ai passé quelques jours à Crest. Cette petite ville proche de Valence a une impressionnante densité en initiatives engagées. Par ailleurs, la vallée de la Drôme regorge de petit.e.s producteur.rices agricoles et artisanales, aux pratiques militantes et naturelles. Tout un monde qui se retrouve, chaque semaine, au marché de Crest… Aux côtés, bientôt, des raisins de la pépinière des Alvéoles.
J’ai profité de ces quelques jours en terre drômoise pour visiter la pépinière des Alvéoles. Un lieu spécialisé dans les haies fruitières et jardins forêt… Particulièrement connu pour ses pratiques permacoles, son havre de biodiversité et ses nombreuses expérimentations autour de la gestion de l’eau. Dans une zone de stress hydrique comme la Drôme, la pépinière des Alvéoles atteint la quasi-autonomie en eau, tout au long de l’année.
Je vous présente mes plus belles découvertes et inspirations, glanées lors de ma (trop brève !) visite.
🙋♀️ Cette immersion s’inscrit dans un voyage à la découverte de différents écolieux en France. Juste avant, j’étais chez Graines de Buisson, ferme de maraîchage et plantes médicinales.
Je glisse des émojis dans l’article pour que tu ne manques pas les plus beaux apprentissages :
💡 Une bonne idée à tester !
☀ Un principe clé de réussite.
📗 Une ressource à creuser.
Les Alvéoles : présentation de la pépinière, écolieu dans la Drôme
Nom : La Pépinière des Alvéoles (en savoir plus ici)
🧭 Raison d’être : Pépinière permacole, spécialisée dans les haies fruitières et jardins-forêts. Iels choisissent des plants et pratiques à intérêts multiples et directs pour la souveraineté alimentaire, le sol et la faune environnante, et encourageant l’autonomie. Le collectif mène également un travail approfondi sur la gestion de l’eau, via l’association pour une Hydrologie Régénérative.
📍 Localisation : Drôme, à une dizaine de kilomètres de Crest
📅 Année de création : fin 2015
👥 Nombre de personnes : 12 personnes engagées dans le projet
🏡 Exemples d’espaces : le lieu comprend l’habitat groupé d’un côté ; et les lieux d’accueil et d’activités de l’autre (pépinière, bureau d’études, formation…). Un espace clé est le jardin forêt conservatoire : un peu plus de 3000 m2, abritant une multitude de variétés différentes, pour expérimenter, conserver, reproduire, etc. Le jardin des vignes, avec plus de 80 variétés différentes et des méthodes de plantation et entretien variées. Une serre bioclimatique. Etc.
🛌 Opportunités d’accueil : CCP, stages de pratique, Journées Portes Ouvertes
💰 Modèle économique : vente de plants, formations, communauté en ligne (La Permathèque des Alvéoles 📗)
💡 L’idée à emporter : les fortes valeurs d’expérimentation et de partage des apprentissages.
3 leçons clés de la pépinière des Alvéoles, référence en permaculture et gestion de l’eau
1/ Un terrain conçu autour de la problématique de l’eau
Si j’étais une goutte d’eau, par où je passerais ?
☀ Tout le lieu a été conçu, dès le départ, autour de cette ressource précieuse : l’eau. Avec de nombreuses idées pour :
- capter, infiltrer et faire circuler l’eau sur le terrain,
- puis l’économiser au moment de l’arrosage.
Ainsi, le lieu cumule plusieurs systèmes et sources d’arrosage. Au global, c’est une réelle régénération du paysage qui a été pensée. L’objectif ? Que chaque goutte d’eau qui tombe sur le terrain… y reste.
Stockage de l’eau
- Une des premières actions d’aménagement du lieu a été la création de mares. Le collectif a créé un bassin pour servir de réserve de biodiversité, puis un deuxième en tant que réserve d’eau pour l’arrosage. A l’achat, le terrain ne comportait aucune accumulation d’eau en surface. C’est chose largement réparée !
- Deux citernes ballon stockent la majorité de l’eau d’arrosage.
- Une source se trouve sur le terrain, active une partie de l’année
- Lorsque le stockage ne suffit plus, l’eau du réseau permet de dépanner. En été 2022 et 2023, elle a servit une à quelques semaines par an.
Infiltration de l’eau
- Dans la partie “verger et pépinière d’arbres”, on peut observer d’étranges tranchées, le long des pentes de niveau. Qu’est-ce que c’est ? Il s’agit bel et bien d’un aménagement du paysage destiné à infiltrer l’eau. 💡 Lorsqu’il pleut abondamment, ces tranchées se remplissent d’eau : cela limite le ruissellement (donc, l’érosion des sols) et permet à l’eau de s’infiltrer (grâce à un temps d’accumulation plus long). En conservant l’eau sur le terrain, on limite aussi les inondations plus bas dans la vallée !
- Certaines tranchées sont “invisibles”, car remplies de BRF. Leur fonction est similaire : le broyat de bois fait éponge et permet à l’eau de s’infiltrer. Dessus, on peut planter des petits fruits.
Arrosage et circulation de l’eau
- 💡 Tout un circuit de drains agricoles (tuyaux poreux) maille le terrain – en souterrain, en apparent ou au pied des arbres. Les tuyaux sont alimentés par la citerne la plus en hauteur du terrain. Ainsi, de l’automne au printemps, le surplus d’eau coule sans apport d’énergie supplémentaire. L’eau est répartie dans tout le terrain, et s’infiltre en profondeur dans le sol pour refaire les stocks avant l’été. Autour des drains, du broyât de bois permet de faire éponge et faciliter l’infiltration de l’eau.
- Les mois où il n’y a plus cet arrosage passif, les pépiniéristes passent en arrosage goutte-à-goutte. L’eau est pompée depuis la citerne. Iels veillent à utiliser le moins d’eau possible : en moyenne, 1 L par semaine et par planche.
- Des systèmes d’arrosage permettant aux plantes de prendre ce dont elles ont besoin. Par exemple, des cuves à double fond 💡. Une réserve d’eau, superposée d’une couche de sable. L’eau remonte par le sable, pour arroser les cultures par en dessous. Il y a ainsi moins de perte par évaporation. Les arrosages sont d’autant plus espacés. En été, la Pépinière des Alvéoles a arrosé ces cuves tous les 15 jours seulement !
- 💡 La table amarrée est un système d’arrosage des semis et plants en pot, extrêmement économique. C’est une table avec des rebords, où l’eau s’accumule. On y place les pots. Lorsqu’on souhaite arroser, on allume une pompe pour remplir la table d’eau. Les racines se baignent, et les plantes prennent pile l’eau dont elles ont besoin. Au bout de 45 min, il suffit d’arrêter la pompe pour que l’eau se vide progressivement. A noter : la table est légèrement en pente. Cela permet de mettre les plus gros pots sur la zone avec un plus gros niveau d’eau. A l’été 2023, la Pépinière des Alvéoles a utilisé ce système de une fois par semaine à 2 fois par jour.
- Des grimpantes sont plantées autour de la serre : vigne, kiwi, etc. Leur ombrage permet de limiter la surchauffe de la serre et l’évaporation.
A tout ces systèmes s’ajoutent une gestion rapprochée : comptage de l’eau utilisée sur chaque parcelle, comparaison, suivi dans le temps, etc. Selon les ressources d’eau disponibles, les pépiniéristes peuvent décider d’arrêter une parcelle, de choisir des plantes différentes, etc.
2/ Une culture de l’expérimentation et de la transmission
☀ A la pépinière des Alvéoles, la première chose qu’on cultive (et en abondance !), c’est… L’expérimentation. On imagine des solutions créatives, on teste, on compare les différentes méthodes… Et puis, on diffuse tout ces apprentissages, avec une grand générosité !
☀ Car le vivant n’est pas prévisible. La nature n’est pas reproductible. Chaque technique, méthode doit donc s’adapter à son terrain d’application.
- Sur la photo, on voit par exemple une parcelle expérimentale pour produire des légumes. Chaque planche sert à tester une méthode différente : biochar (avec des quantités différentes d’amendement), électro-culture, syntropie, etc. Et pour que l’expérience soit valide : quelques planches témoin !
- Autre exemple : les pépiniéristes testent plus de 80 variétés de vignes, et différentes méthodes pour les guider et cultiver. Association avec des aromates, guidage sur une structure d’ombrage, etc. Avec l’expérimentation, vient aussi la capacité de rebondir et composter ses erreurs (pour en faire un terreau fertile. Au sens propre comme au figuré, d’ailleurs !). Typiquement, parmi toutes ces vignes, certaines ne seront peut-être pas savoureuse, ou pas adaptée au terrain. Dans ce cas ? Tant pis ! On la retire, et on la revalorise ailleurs, en biomasse, en gain d’expérience. Rien n’est perdu, tout évolue.
Les pépiniéristes des Alvéoles ont a cœur de transmettre tous ces apprentissages ! Leur rêve ? Diffuser largement leur vision, pour qu’il y ai de plus en plus de projets conservatoires et permacole, de retours d’expériences et d’histoires inspirantes… Bref, un fabuleux cercle vertueux. 📗 Ainsi, les Alvéoles organisent chaque année plusieurs formations en présentiels, accueille des stagiaire, et partage une abondance de conseils et témoignages sur la Permathèque en ligne.
3/ Observer et s’adapter, fidèlement aux valeurs de la permaculture
Fidèle à la philosophie de la permaculture, la Pépinière commence toujours par l’observation. Et continue… Par de l’observation ! ☀ Les membres du lieu observent l’écosystème actuel et son comportement, les résultats de leurs actions, les évolutions au fil du temps, etc. Et s’y adaptent, avec souplesse et fluidité.
Un principe qui vaut partout, que ce soit dans l’organisation humaine, comme dans les cultures.
Par exemples :
- Lors de la création des bassins, les membres se sont demandé s’il fallait utiliser ou non un géotextile imperméable. Comment savoir ? En testant, bien sûr ! Un trou a été creusé, et laissé tel quel pendant un an. L’objectif ? Observer, si l’eau s’y accumule naturellement ou pas. La réponse : oui ! Banco : pas besoin de géotextile.
- Avant de planter les arbres de la pépinière, les membres du projet ont observé les passages d’animaux. Ces derniers empruntent des sentes récurrents… Si un bébé arbres se trouve sur le chemin, pas de pitié ! Cette phase d’observation (qui continue bien sûr tout au long de la vie du projet !) a permis d’installer les plantations en limitant l’impact sur la faune, tout en protégeant les jeunes plants.
La Pépinière des Alvéoles est un projet référence en permaculture et en 📗 hydrologie régénérative. Cette structure m’inspire beaucoup dans leurs méthodes intransigeantes face au respect de la nature, dans leur générosité de partage et dans leur dynamique d’expérimentation et apprentissage. Bref, je vous recommande de les suivre, en ligne ou en présentiel !
L’aventure continue ! Découvre mes autres immersions en écolieux, mes découvertes et émois à travers les articles que j’écris à chaque étape. Prochain arrêt : l’Arche de Saint-Antoine, une communauté spirituelle installée depuis 1987 ! Le lieu le plus ancien de mon parcours…