J’ai du mal à croire où je suis.
Pincez-moi, je rêve.
Me voilà au Maroc.
L’avion a cela de perturbant qu’on peut se retrouver sur un autre continent en 3 petites heures.
Dans cet article, je partage au fil de l’eau mon expérience, vécue en observant la famille dans laquelle j’étais accueillie, la région dans laquelle j’ai séjourné. Mes observations sont teintées de mon vécu et ce qui est important pour moi. Je ne souhaite pas faire de généralités sur tout le Maroc, ni toustes les Marocain.e.s.
J’ai vécu cette belle expérience dans le cadre d’une retraite immersive à Dar Ul, près d’Aoufous. Organisée par Nelly Savary et Liliane Poumeyreau. 💚
Pour lire le bilan de mon immersion, en 6 leçons précieuses, c’est ici. https://oservert.fr/immersion-maroc-bilan/
Oui, j’ai pris l’avion.
Moi qui suis une angoissée climatique. Moi qui passe mes journées à contribuer à la transition écologique et humaine. Moi qui ai choisi de renoncer à l’avion, à la viande, aux achats neufs et à un maximum de consommations climaticides. Du mieux que je peux.
En vous racontant ce voyage, je ne veux pas banaliser l’usage de l’avion. Surtout pas.
En vous racontant ce voyage, je veux explorer avec vous le vivre-ensemble face au changement climatique – et surtout, face à la sécheresse.
Et pour ça… J’ai pris l’avion. Une décision difficile à accepter.
En 2020, Nelly, une amie très proche, part au Maroc rejoindre sa mère. Un petit village marocain, au cœur d’une oasis, perdue au milieu du désert. Elle y restera confinée 4 mois.
À son retour, elle est transformée. « Là-bas, on ne fait pas. On est. » Elle me raconte une autre manière de vivre, un autre rythme, d’autres priorités. « Un jour, je vous ferai venir pour que vous découvriez ça ! ». Un jour… Pas pour moi, en tout cas. Je ne prendrai pas l’avion.
En 2022, elle y retourne 6 mois. Volontairement, cette fois. Une expérience toujours plus enrichissante.
Alors, l’élan lui vient de nous inviter, avec plusieurs amies proches.
A ce moment-là, mes rêves d’écolieu se concrétisent de plus en plus. Je le pense, le réfléchis, l’expérimente, le vis… Cette fois, je reçois la proposition différemment. J’ai un pourquoi fort, qui m’appelle là-bas…
Ça déchire quelque chose en moi, mais c’est d’accord : je prendrai l’avion.
Rappel sur la pollution de l’avion
Pour rappel, l’avion est un transport extrêmement polluant. Parce qu’il permet de parcourir des milliers de kilomètres, en un clignement de paupières. Parce qu’il n’est pas assez taxé, pas dissuadé. Parce que toute une population l’utilise sans même penser à ses émissions carbone, sa pollution de l’air.
Un rapport estime que, pour rester sous 1,5 degré de réchauffement, nous devrions réduire notre utilisation de l’avion…
– Une fois tous les 3 ans en vol court (destination à moins de 1 500 km) ;
– tous les 8 ans en long courrier.
(ARUP, 2019).
Je n’ai pas pris l’avion depuis l’été 2018. Je me suis dit que j’étais dans la fourchette.
Je n’essaye pas de me justifier, de m’excuser… Mais plutôt d’expliquer mon raisonnement.
J’aurais pu y aller de mille autres manières, peut-être. En stop, en bus, en train et ferry. Mais j’ai eu peur. Mais j’étais seule, et débutante en vadrouille long courrier. Mais c’était bien plus cher, dans ce monde absurde où la rapidité prime sur la biodiversité.
Alors, ça sera l’avion. Pour cette fois.
À lire aussi : Conseils pour un tourisme plus responsable.
Je veux que ce voyage soit transformateur. Qu’il me serve dans mon projet de création d’écolieu. Qu’il m’aide à mieux militer, sensibiliser. Si je prends l’avion, je veux que ça vaille le coup.
Et ça commence dès maintenant : je vous emmène avec moi, au Maroc, explorer le vivre-ensemble face au changement climatique.
Alors qu’on parcourt les ruelles de la medina, nous montent au nez… Ici, l’odeur du pain, puis du cuir. Là-bas, leur succèdent les effluves d’épices, de savon, les relents de l’âne transporteur… Elles-mêmes recouvrant ponctuellement le parfum de la pierre chaude et de la poussière au soleil… A chaque pas, chaque échoppe, de nouvelles couleurs, de nouvelles saveurs.
Et, alors que le soleil tape déjà haut dans le ciel, on profite d’une certaine fraicheur dans les étroites ruelles.
La différence de température est carrément impressionnante, entre les quelques places dorées par le soleil, et les passages ombragés en pierre épaisse. On se rend compte alors, comme tout est bien pensé.
Premières observations de la vieille ville de Fès (la Medina), construite en pays chaud.
Bref : quand je regarde nos villes… Goudron noir et larges rues, baies vitrées et places nues : clairement, on n’est pas prêt.e.s.
Et, même ici, cette aberration pressée n’est pas très loin…
Quelques kilomètres plus loin : la nouvelle Fès. Une ville comme on en trouve en France, avec ses larges rues de bitume. Ici, point d’épices poétiques : c’est l’odeur de l’asphalte brûlée par le soleil qui nous monte au nez. Doux parfum.
À croire que la nouvelle Fes s’est construite en oubliant toutes les bonnes pratiques face au cagnard.
« Pourquoi ? » Je demande innocemment. Parce qu’il faut pouvoir accéder en voiture. Il y a les bureaux, les magasins…
Plus question de tout faire à pied. De prendre son temps. Ici, contrairement à la medina : le temps nous est compté.
Car en déambulant dans la médina, le matin, avant l’arrivée des touristes… On tisse un autre rapport au temps. Ici, les artisans ne le comptent pas : iels le prennent.
Prendre le temps de tisser, couper, graver, retaper, améliorer…
Prendre le temps de fabriquer, préparer, embellir, décorer.
Prendre le temps de marcher, balayer, transporter…
Tout, à pied (ou dos d’âne), à la main. Pas de machine, pas de moteur. Seul subsiste le silence des conversations passionnées, de la concentration dévouée.
L’important n’est pas la rapidité, la productivité, la rentabilité. L’important, c’est de faire les choses bien. D’être au service de ce qui est là, aujourd’hui. Au service de ce qu’on aime, de ceux qu’on aime.
Ainsi, certains peuvent travailler des mois, presque des années, pour graver minutieusement des lampes (absolument époustouflantes, soit dit en passant)… Qui seront vendues à 350 € euros pièce. 350 €, pour un an de travail.
Chaque personne a son job, sa spécialité… Et ne fait que ça. Que des semelles à chaussures. Des plateaux en cuivre. Des galettes de maïs. Inlassablement, heure après heure, jour après jour. Avec soin. Avec passion. Voire, plus : avec dévotion.
Alors oui, dans cette ville où tout se fait à pied, avec une lenteur passionnée… Les rues peuvent être étroites, un peu cabossées.
Mais, de retour dans la grande ville, pressée, délavée… Les rues s’élargissent pour laisser passer les voitures. Les dalles blanches s’habillent de bitume pour mieux caresser les pneus. Et on en oublie le rythme originel.
Il reste peut-être les murs blancs, les bâtiments en pierre. Mais, les rues étroites et ombragées ne seront bientôt qu’un lointain souvenir.
Une ville adaptée à la chaleur, à la sécheresse, serait-ce avant tout une ville où l’on prend le temps ?
Après une (trop brève) découverte de Fès, nous reprenons la route. Devant nous : 6 h de voyage, de plateau désertique en plateau désertique… Jusqu’à une oasis verdoyante, près d’Aoufous.
Une véritable épopée, vécue bien différemment de l’avion.
Les 6 heures passent (presque) vite. La variété des paysages nous émeut, nous émerveille. Le temps long nous aide à réaliser la distance. Surtout, on voit, le désert… Ou plutôt, les déserts, dans toutes (non, loin de là) ses formes.
Dans la nouvelle ville et à ses abords, les routes sont bordées d’arbres. Oui, mais pas n’importe lesquels : des orangers, des clémentiniers, des citronniers… Dont les fruits sont cueillis au passage par les habitant.e.s. Au-delà du décoratif, ici, on se soucie du pratique ! « Quand tu n’as pas beaucoup d’eau pour faire pousser quelque chose : quitte à avoir des arbres, autant qu’ils donnent à manger ! ».
On traverse ensuite des champs.
Tout n’est pas rose, bien sûr : dans cette région, il y a aussi beaucoup de pesticides, des déchets qui volent sur le bord des routes, etc. Mais, malgré tout, un certain bon sens d’antan dont on peut s’inspirer.
Se succèdent ensuite différents plateaux désertiques. D’immenses étendues, que seules arrêtent les montagnes, quelques villages parfois. D’immenses plaines, plus ou moins irriguées, plus ou moins végétalisées. Mais surtout : d’immenses lits de rivière… Cette année, asséchés.
Ici, une large rivière devenue filet d’eau. Là, une grande étendue devenue flaque. Là-bas, un oued vidé bien trop tôt.
Une source, ça se tarit.
En traversant le désert, je prends la mesure de la valeur de l’eau. De son abondance en France, de la vie issue de cette ressource… De la fragilité de son cycle, aussi.
A l’inverse… Dès que l’eau est là, la vie s’invite.
Je suis émerveillée par la persévérance de la vie. Même au milieu du désert, au milieu de nulle part… La vie s’invite, s’immisce partout où elle peut. Dès qu’il y a de l’eau : ça pousse, ça verdit. Ça revient, ça revit. Quelques plantes, des scarabées, des fourmis… Et même, des maisons parsemées, des hameaux, ou des nomades.
Une abondance permise, entre autres, parce que le Sahara est un sol extrêmement fertile. Sur le sable de cet ancien océan, chaque goutte d’eau permet à la vie de fleurir.
Alors qu’en France, chaque parcelle est devenue propriété ; chaque terre se doit d’être valorisée… ici, le désert n’appartient à personne. Il est la nature, seule, sauvage.
Les nomades y ont droit de passage. Déambulent, portant leur tente, déplaçant leur campement. Avant, ces familles sans attache parcouraient le pays pour vendre leurs créations, où celles des autres. Aujourd’hui, ce mode de vie se perd progressivement : plus besoin de nomades pour transporter étoffes, épices, et objets d’artisanat.
Au détour d’un virage, on tombe sur un panorama époustouflant : un lac, immense, d’un bleu éclatant sous le soleil tombant. Mais cette année, ce lac semble bien vide. Des langues de sable gagnent le centre. Les abords restent de sable. 2023 : le lac n’est qu’à 30 ou 35 % de sa capacité. L’hiver n’aura pas suffi à le remplir. Alors, pour la première fois, notre oasis de destination… S’assèche.
La route continue, entre émerveillement et tristesse perplexe.
Finalement, voilà qu’on aperçoit au loin, entre les roches rougeâtres et ocre… Une rivière. Large de 2 kilomètres, longue d’une centaine. Une rivière, oui… Mais verte. Car là où l’eau coule, la végétation abonde. Les palmiers se dressent, par centaine, par millier. Voilà enfin l’oasis.
Après avoir fait 6 h de voiture pour rejoindre le lieu, après avoir traversé tant de plateaux désertiques… L’abondance de cette oasis est d’autant plus frappante. Une bulle verdoyante, presque irréelle, presque onirique.
A pied cette fois, nous voilà au cœur de ce poumon vert. On déambule entre les palmiers, les oliviers, figuiers et les parcelles verdoyantes. Au détour d’un chemin, on croise parfois un âne transportant la luzerne, une femme la coupant…
On apprécie le chant de la nature : les oiseaux, par centaines, par milliers peut-être, accompagnent nos pas. Ici, pas de machine, pas de moteur pour couvrir la caresse du vent dans les feuilles. Les outils sont manuels, les déplacements se font à pied, à vélo ou à dos d’âne.
Avec mon regard curieux, j’observe l’organisation de cet immense jardin partagé…
Jardin partagé ? Oui ! Car, il y a quelques décennies, le roi du Maroc a coupé l’oasis en parcelles… Et en a donné une à chaque famille. Aujourd’hui, on s’organise avec ses voisins, on s’entraide, on se croise, etc. Cette oasis, c’est 120 km de jardin partagé !
Ici, les parcelles ont plusieurs sources d’eau.
L’eau, si précieuse, s’achète. Les familles qui n’ont pas de puits peuvent acheter du temps d’eau à celles qui en ont. On libère alors l’eau dans le canal, on ouvre la parcelle à inonder, et on la laisse suffisamment longtemps pour que l’eau pénètre en profondeur. En effet, le sol sec a tendance à s’imperméabiliser : l’eau ruisselle sur cette poussière craquelée. Ici, seul le temps assure une bonne infiltration.
Et bien sûr, avec la diminution des stocks, le prix de l’eau augmente. Certaines familles ne peuvent plus payer l’eau d’arrosage : « cette année, on n’arrosera pas plus ». La différence est frappante entre les parcelles irriguées… Et celles qui ne le sont pas.
Plusieurs méthodes sont mises en place pour économiser l’eau.
Alors, que mange cette famille ?
D’habitude, l’eau coule en hiver, les ruisseaux remplissent les nappes phréatiques, les cascades grondent… Jusqu’en 2023. C’est la première année sans eau sur l’oasis. Pas du tout. L’oued est resté vide, tout l’hiver. Seule quelques pluies éparses ont rempli les flaques.
En avril : certains puits sont déjà vides. Certains, qu’on n’avait jamais vu à sec.
Même les oliviers, d’habitude si résistants à la sécheresse… Commencent à jaunir leurs feuilles. Même certains palmiers, après 2 ou 3 ans sans eau, commencent à mourir.
La cause est double.
Clairement, cette histoire de ferme de palmiers… Ça me rappelle les mega bassines ! Pour quelques agriculteurs riches, on vide les nappes phréatiques et les réserves des autres… Quitte à nuire à l’écosystème entier.
Face à la difficulté d’approvisionnement en eau, comment réagissent les habitant.e.s de l’oasis ?
Quand je vois l’oued asséché, quand j’entends les difficultés face à l’eau, l’aggravation de la situation d’année en année… J’ai peur. Peur du réchauffement climatique, des conséquences. Je suis triste. Triste d’imaginer la population de l’oasis galérer à cultiver, triste de l’injustice à l’origine de tout ça.
Et pourtant…
Pourtant, la famille qui m’accueille ne tombe pas dans la peur. Ni dans la colère. Cette famille fait confiance. « Allāh est grand, et rétablira l’équilibre. »
Ils et elles constatent la situation présente, l’acceptent et agissent en conséquence. Sans se projeter sur des années, sans planifier des stratégies grandiloquentes. Seul existe le présent. Les solutions peuvent venir de n’importe où, n’importe quand. Les opportunités sont inattendues… Et elles arriveront, iels en ont confiance.
C’est un grand apprentissage pour moi. Cela ne veut pas dire que je vais arrêter de militer et agir pour le climat. Mais cela apaise une part en moi, qui a besoin de planifier, contrôler, sécuriser tout. Cette famille m’inspire pour injecter davantage de patience, de confiance dans l’inattendu.
La famille réagit dans le présent, par rapport aux ressources d’eau actuelles.
Un autre apprentissage que je suis venue chercher, c’est : comment on s’organise en collectif, quand on a des enjeux de « survie » ? Quand on s’engage dans un projet de famille, un projet long terme ? Quand on repose sur les autres, sur le groupe pour manger, se loger, générer de l’argent ?
Bref : comment on s’organise en collectif quand on se rend, à ce point, interdépendant.e.s ?
Je vis avec 10 personnes, depuis un peu plus d’un an. Mais l’organisation est tout autre, car chaque personne comble ses propres besoins (financiers, alimentaires, etc.). Nos projets communs, comme le potager, sont des loisirs. Pas plus. Un jeu, pas un enjeu.
Dans cette famille, chaque adulte a son domaine d’expertise. Il y a 3 adultes vivant sur le lieu.
Cela ne veut pas dire que chaque adulte s’occupe exclusivement de son domaine… Bien au contraire !
Concernant la notion d’autonomie, de sécurité : les différents domaines s’équilibrent entre eux. Si le gîte ramène moins d’argent ponctuellement, on peut se reposer sur la production alimentaire du jardin ou des animaux. Si le potager s’assèche, on mangera davantage de viande. Etc.
L’interdépendance demande, à mon sens, beaucoup de confiance pour se sentir en sécurité. Avoir confiance dans l’autre, pour savoir qu’il ou elle va assurer sa mission, du mieux possible, en pensant à la bonne santé du collectif et ses membres. L’organisation, implicite ou par habitude, permet de sécuriser davantage l’interdépendance.
Je vois dans cette famille une solidarité vraiment touchante et impressionnante. Une pleine confiance, qui permet la liberté individuelle. Il y a une certitude mutuelle (et une vérité !) sur le fait que chaque personne agit pour le bien du groupe et de ses membres… Tout en pouvant exprimer sa créativité dans son domaine !
Chaque personne fait ce qu’elle aime, d’une manière qu’elle aime. Et ça marche, pour le bien de tous et toutes :).
Ici, dans ce désert marocain, personne ne vit seul.
Même les nomades sont en collectif. Même les plus solitaires se rapproche des campements familiaux et passent leurs soirées entourés d’ami.e.s, de voyageur.se.s, de proches.
Le foyer traditionnel est le suivant :
Les maisons traditionnelles sont grandes : on peut y vivre à plus d’une dizaine. Il n’y a pas une chambre par personne, mais de grandes pièces (voire, le toit terrasse) où l’on aime dormir ensemble, presque les uns sur les autres…
Dans la maison, il n’y a pas de décoration, pas de babiole. Tout va à l’essentiel, des ustensiles de cuisine à la couleur des murs.
« Ici, on a seulement l’essentiel. Et l’essentiel, c’est d’être ensemble. »
Chaque grand événement est marqué par le soutien de toute la famille élargie et l’entourage.
Lors d’une naissance, la mère est aidée pendant au moins une semaine. Les femmes se succèdent pour faire à manger, laver le linge, prendre soin de la mère, etc. Cette dernière n’a rien à faire, si ce n’est profiter pleinement de son nourrisson. Quand, en France, on est plutôt éjectée de l’hôpital et laissée « autonome »… Jusqu’à l’épuisement.
En cas de maladie, même rengaine : l’entourage vient apporter son soutien, et l’aide nécessaire.
C’est émouvant de voir la sincérité dans ces gestes de solidarité : on aide, car on aime. On aime, donc on aide.
Vient alors le moment où on explique comment on vit, là-bas, en France. Incompréhension. Absurdité.
Pourquoi on travaille dur, pour payer cher un loyer, pour vivre chacun dans sa propre maison, avec sa propre voiture et ses propres objets ? Pourquoi on multiplie le travail, pour multiplier les logements ? Au point de ne plus avoir le temps de jardiner, cuisiner, faire le ménage ou s’occuper des enfants… Et travailler pour pouvoir payer des gens à qui déléguer ces tâches ? Un travail, devant l’ordinateur, que trop souvent on n’aime pas tant que ça.
On perd le plaisir d’être ensemble, le plaisir du temps libre, le plaisir de la simplicité.
Présenté comme ça, c’est vrai : on marche sur la tête.
Pour moi aussi, qui ait fait le choix de vivre en collectif depuis 2022, l’individualiste n’a plus de sens.
Ce soir, nous partons faire face au désert. Nous prenons la voiture vers une tente, perdue au milieu d’un plateau désertique. La tente d’un nomade.
Autour de nous, une étendue entre sable et caillou, parsemée de quelques buissons épineux. En marchant, regard rivé au sol, on réalise à quel point le désert est vivant.
Le sable est décoré de traces de pattes variées, de petits terriers, comme autant de sillons sur le passage des animaux. Les yeux fermés, on entend la caresse du vent, à perte de d’oreille, et quelques chants d’oiseaux.
Par endroit, la pluie du mois dernier a même laissé sa marque : chaque goutte d’eau semble avoir donné naissance à une petite fleur blanche…
La nuit tombant, on se rapproche finalement du campement nomade. Une grande tente principale, entourée par 2 fours en terre paille, une petite tente de cuisine, et l’enclos des chèvres et moutons.
Car oui : la viande est finalement indispensable dans certains lieux de vie. Les journées sont alors rythmées par la promenade des animaux ; berger nomade guidant ses moutons sur le plateau.
Dans l’oasis et chez les nomades : les constructions sont encore, bien souvent, en matériaux locaux ! Je trouve ça fabuleux, tout ce qu’on peut faire naitre de la terre : murets et four sont fabriqués en terre paille. Les tentes en poils de chameau, en revanche, se perdent peu à peu, pour laisser place à des tentes plus modernes (et tachées d’enjeux géopolitiques).
Dans la région, on compte encore… 11 000 foyers nomades ! C’est bien plus que ce que je pensais, même si la proportion s’est inversée ces dernières décennies. Autrefois, 25 % des personnes du désert habitaient en ville et village, contre 75 % en tentes nomades. Aujourd’hui, c’est l’inverse. Le confort fini par convaincre, même les plus sobres.
Nos modes de vie pourraient être drastiquement transformés face au changement climatique. La production de ressources vitales pourrait redevenir au centre de notre quotidien, quand aujourd’hui, il suffit d’une heure à peine pour faire les courses. Quand aujourd’hui, l’eau coule à flot au robinet.
Pourtant, à notre époque déjà, certaines personnes font le choix volontaire et joyeux de la sobriété extrême. De la vie, par la « survie » quotidienne. De rythmée les journées par les productions vitales, plutôt que par les écrans.
Un choix de vie qui me questionne.
Pourquoi on s’est à ce point compliqué la vie ? Avec des ordinateurs, un travail, un salaire pour payer une maison individuelle et des magasins, qui nous libèrent du temps… Pour travailler, qui nous permettra… De prendre et payer des vacances, durant lesquelles on pourra enfin arrêter de travailler. Hum 🤷🏻♀️.
Et si la vie changeait drastiquement, même en France ?
Est-ce que je pourrais passer mes journées dans l’oasis, à couper la luzerne ? Dans le désert, à garder mon troupeau ? Est-ce que la joie du collectif me suffirait ? Est-ce que, dans une vie plus manuelle, je comblerais ailleurs mes besoins d’accomplissement, de projets, d’ambition ?
C’est magnifique de voir la mère cuisiner le pain.
Des gestes qu’elle a répétés des centaines de fois, au bas mot. Qu’elle continue à répéter, avec plaisir, avec lenteur, avec douceur.
Imperturbable.
Ses mains dansent, ses doigts voyagent sur la farine. La pâte tourne, roule, s’étale. S’enfourne. Feuilles de palmier s’embrasent, caressent la croute, dorent le pain.
On entend l’appel à la prière, qui marque la rupture du jeûne du Ramadan.
Elle continue, calmement, lentement. Sachant que sa famille attend pour manger. Mais non : ça sera bien fait, peu importe le temps que ça prend.
Imperturbable.
Son jeune fils caprice, crie, réclame… Elle continue, imperturbable. En lui expliquant doucement. En souriant, sereinement.
Pas d’impatience, de lassitude, de peur d’être en retard.
Juste, une pleine présence dans le ici et maintenant.
Juste, une totale volonté de faire les choses bien. Peu importe le temps que ça prend.
Magnifique. Et… Imperturbable.
Petit retour en arrière, en faisant défiler les photos. Premier réflexe en voyant toute cette variété d’images : waouh, on a fait plein de choses !
On a marché dans l’oasis, dans le désert, sur les plateaux. On a été au souk, aux villages de terre ocre, au campement nomade. On a vu la cuisson du pain, la découpe de la luzerne, la cuisine des tajines. On a fait de la musique, fait du henné. On a admiré, observé, discuté, joué, dansé.
Pourtant… Pourtant, non.
On n’a pas fait plein de choses.
On a vécu.
Beaucoup. Intensément. Joyeusement. Paisiblement.
Courir. Faire plus. Voir plus. Cocher plus.
Prendre une photo, pour montrer que « j’y étais ».
Et reprendre la course. Plongé dans les écrans.
Oublier. Du cerveau aux cellules de la peau.
Oublier, car c’était tellement furtif.
Pourtant, dire, savoir, ou plutôt y croire :
J’y étais.
Même en pleine absurdité.
Ou bien…
Vivre l’expérience par toutes ses sensations.
Observer, yeux écarquillés, comme un bébé qui apprend.
Sentir, narine au vent, comme un chiot qui découvre.
Toucher, cellules de la peau à l’affut, et se laisser toucher pleinement.
Écouter, écoutilles bée, pour capter le chant de la vie, dans toutes ses subtilités.
Goûter enfin, la saveur de la vie. Par tous ses aspects.
Textures, odeurs, détours, lenteurs.
Vivre, c’est expérimenter.
Alors là, seulement, là, vraiment… J’y étais.
L’immersion dans la famille me permet d’observer l’éducation, la transmission.
L’éducation est bien différente que dans de nombreuses familles françaises !
Ici, peu de mots. Beaucoup d’exemples.
Il y a un jeune d’enfant, de 3 ans et demi : Mouhad.
On le laisse observer, imiter… Et surtout, tester, participer, se tromper, se blesser parfois, faire des erreurs : rien n’est grave. Ou presque.
Même si ça gâche de l’eau, si ça rate un plat, si ça casse une assiette, si ça troue un vêtement, si ça fait une égratinure : ce n’est pas grave.
Les parents le laissent expérimenter, faire des erreurs.
Quand Mouhad entreprend une action, personne ne lui dit : attention tu vas te blesser, c’est dangereux, c’est mal fait. Personne ne lui dit fait plutôt comme ci ou comme ça.
On le laisse tester, faire ses propres conclusions.
La famille crée un espace où les erreurs ne seront pas fondamentalement dangereuses pour lui ou les autres : on ferme le puits à clé, on cache les briquets et ce qui pourrait mettre le feu. Les parents et adultes font bien la différence entre ce qui est fondamentalement et vraiment grave, et le reste. Alors, on peut le laisser choisir, évoluer dans cet espace.
L’éducation n’est pas basée sur la peur. Peur du danger, du « et si »…
L’éducation est basée sur la confiance, l’exemple et l’expérimentation.
Et les conséquences sont époustouflantes.
Mouhad n’a même pas 4 ans. Il déambule toute la journée dans le jardin, il va voir les chèvres, il bêche, il tombe parfois… Il imite, il participe, il est proactif. Déjà créatif pour trouver des solutions. Quand il est trop petit, il trouve un tabouret pour attraper une fourchette. Quand c’est trop lourd, il trouve une brouette pour transporter.
Il ne demande pas. Il trouve des solutions, il teste.
Impressionnant !
Même les autres jeunes de la famille, pré adolescents : on ne leur interdit rien. On les laisse aider, même si c’est raté. Ils vont apprendre. Voir que ça brûle, que c’est mauvais, que tout ça.
On ne donne pas de conseils, de « il faut » : on laisse apprendre par l’expérience et les échecs.
Bref, ici, peu de mots. La transmission se fait par l’exemple, la confiance, la liberté.
Hier, une expérience splendide, inimitable, transformatrice.
La première fois pour moi… Perdue, dans un désert de dunes.
Des courbes lisses, régulières, qui aboutissent sur une fine crête avant de plonger.
Des vagues, sculptées par le vent.
Des couleurs brulantes, intenses, du sable au ciel.
Et, ici encore… La vie.
Des plantes sortent de sable.
Des insectes s’y promènent, ou creusent dans ses profondeurs.
La vie, même ici.
Pourtant, être dans ce désert immense pour comprendre… Non, ressentir…
La bénédiction de la nature luxuriante d’ailleurs, de la richesse de la biodiversité, du miracle de la vie.
Sur le moment, pas de mot.
Seulement les ressentis.
Contemplation.
Émerveillement.
Stupeur.
Et puis, les mots reviennent, petit à petit. S’ordonnent à nouveau.
Mais l’essentiel, seulement.
Un constat, seulement.
Le mental, balayé par le vent, poncé par le sable.
Seules restent les évidences.
La nature est une artiste.
Créative. Surprenante. Grandiose.
La nature est une inspiration.
Résiliente. Puissante.
La nature est sans peur.
Sans limites, sans questions qui tournent.
Multiple. Présente.
Alors, à partir de maintenant…
J’observe, j’apprends.
J’admire, je m’inspire.
Avec humilité.
À partir de maintenant…
La nature est mon professeur.
Et la nature ne parle pas.
Elle montre. Elle est.
Elle est là, droite.
Elle se positionne face à nous, avec nous.
On s’y adapte.
Et cela nous enseigne, nous apprend.
Dans ce désert de dunes, magnifiques, époustouflants, grandiose…
Le bruit des moteurs retenti. Les quads piétinent, saccagent. Sautent sur les dunes, comme dans un parc d’attraction.
Alors que le coucher de soleil illumine le ciel, peint le sable d’un doré indescriptible…
Les quads et leurs conducteur.rices continuent le fracas. Insensibles.
Il faudra revenir le matin, au lever du jour, pour un désert au calme éphémère.
Ça ne correspond pas à l’image des cartes postales, non ?
Et pourtant. C’est ce que l’humanité fait sur son passage.
Négliger. Passer à côté.
Ce moment de pleine contemplation, juxtaposé à l’ignorance total des quad-addict… Tellement symbolique. Illustration parfaite.
Le symbole même de la beauté de la nature… Et de l’inconscience de tant de personnes face à cette magie. Insensibles.
Alors, je choisis de me concentrer sur la beauté. Je choisis de me concentrer sur le cadeau de la nature, dans cet instant artistique. Je choisis de me concentrer sur les quelques-uns, quelques-unes qui, comme nous, contemplent silencieusement et pleinement.
Ce sont celles et ceux les plus silencieux… Et pourtant, d’une certaine manière, ce sont les plus important.e.s.
Ici, ils et elles semblent se poser moins de questions.
Se contenter, prendre le présent et voir ce qu’on en fait. Vivre le présent, sans planifier ou stresser de l’après. Sans vouloir remplir.
Les hommes peuvent passer des heures assis dans un café ou au bord de la route. Juste ça. L’important c’est d’être ensemble, même sans rien faire. Pendant le ramadan, il n’y a même pas un thé sur la table pour donner l’excuse de se retrouver. Être ensemble, c’est ça qui compte.
Les femmes peuvent passer des heures entre elles. Fermer la porte du salon : ça y est, les hommes sont interdits dans cet espace précieux. Et danser, se voir, se sourire. Simplement. Trouver le plaisir dans les petites joies de la vie. Cœur ouvert, joie sincère…
Même lors des tâches. La pleine présence, la conscience de bien faire, suffisent à y apporter de la valeur. Être ensemble les sublime. En cuisine, en coupant la luzerne, en arrosant le jardin, en transportant les récoltes, etc.
La place des femmes est d’ailleurs une belle mise en lumière de ce questionnement : est-ce que c’est bien, toutes ces questions ? D’un côté, accepter le présent sans le questionner les maintient dans cette situation d’inégalité… Et, en même temps, cela leur permet d’y trouver du bonheur.
Ici, on tisse des relations par le simple fait de passer du temps ensemble, d’apprécier la présence de l’autre. Pas de longs discours, pas de discussion nécessaire. Juste se voir, à plusieurs reprises. Se reconnaitre. Se sourire. Être et vivre, simplement.
Alors, c’est sûr… Ça me questionne. Des questions, encore des questions… Pourquoi on se pose tant de questions ? Sur le sens de la vie, sur ma place dans tout ça. Sur le meilleur travail pour trouver du sens, le meilleur lieu de vie. Sur ce que je ferai plus tard, s’il arrive ceci ou cela. Sur ce qui me fait peur, ce que je projette.
Est-ce que ça m’amène quelque part, toutes ces questions ? Est-ce que… Ça m’en éloigne ?
Encore une question…
Le vivre ensemble déteint jusque dans les rues, les ruelles, les pistes.
Dans ces villages de désert, dans cette oasis, on fait tout pour vivre en lien, plutôt qu’entassé.
Vivre avec, plutôt qu’à côté.
À chaque personne croisée : on se dit bonjour, on se sourit. On se voit, on se revoit.
Face au besoin, on partage. C’est particulièrement visible dans cette période de ramadan : à la rupture du jeûne, celles et eux qui ont prévu partagent leurs dattes avec les autres.
On accueille aussi : quand on est arrivées dans une maison, après quelques semaines d’absence… Le voisin a toqué pour apporter du thé et des biscuits. On ne le connaissait pas : c’est l’hospitalité marocaine.
Dès l’enfance : on préfère arriver quelques heures en avance à l’arrêt de bus, ensemble… Qu’attendre seul.e chez soi. Ils et elles s’amusent de l’étranger qui passe (nous, en l’occurrence). Se donnent en spectacle.
Pas de parents à l’horizon. Encore une fois la confiance et l’essentiel : être ensemble.
Alors, le village est réinvesti. On vit ensemble, même sans se connaitre. On vit ensemble, plutôt qu’à côté. Je pense que ça change tout : on se sent en lien, capable de demander du soutien, capable de négocier pour résoudre ensemble une problématique.
Retour à la médina de Fez. Alors que tout semble un, on distingue plusieurs mondes dans cette ville. D’abord, le plus visible : le monde des touristes. Les boutiques pour les touristes, les sourires pour les touristes, les saluts pour les touristes.
Et ce deuxième monde, qu’on s’amuse à dénicher, au milieu des boutiques touristiques : les artisans sincères. Celles et ceux qui prennent le temps. Qui aiment leurs créations, autant que celles et ceux qui les porteront.
Ces artisans qui savent raconter leurs objets. Ces objets qui ont une histoire. Cette histoire qui saura nous ramener à cet instant.
On essaye de briser la façade dédiée aux touristes. En répondant quelques mots d’arabe, en racontant l’histoire de celle qui nous accueille, une Française qui vit au Maroc depuis 12 ans.
Et puis, il y a un troisième monde. Le souk pour les locaux. Le souk, le vrai. Des légumes qui embaument la rue, le cri des poulets encore vivants, des épices de toutes les couleurs, des sacs de graines et lentilles dans lesquels on voudrait plonger la main. Et ça appelle dans tous les sens, ça avance, ça se bouscule.
Un fourmillement impressionnant, une bourrasque qui prend aux tripes… Et qui prend fin, presque en un claquement de doigts, à l’approche du ftour, repas de la rupture du jeûne. Alors, on reste là, dans les rues maintenant vides, les boutiques portes closes. On reste là, un peu étourdies. On se demanderait presque si c’était bien réel…
Vivre le Maroc en période de ramadan, c’est aussi observer la dévotion à leur religion. Les journées, rythmées par le jeûne et sa rupture. Les semaines, jalonnées de fêtes et événements. L’occasion, ou l’excuse, pour se retrouver une fois de plus. Ensemble.
Toute une culture partiellement impactée par cette période : le ramadan. Un cycle de lune durant lequel on se met face à la difficulté. Et, année après année, un rituel qui entraîne leur posture face à la difficulté. Une expérience qui peut offrir de la sérénité face à l’inconnu, de la confiance en soi face à sa propre résilience : on sait comment on réagit à ce type de challenge… On sait qu’on peut y faire face.
Pour toute une population française, dont je fais partie, l’habitude est plutôt de retirer la difficulté. Accros au confort.
Exemple frappant : du carême, les chrétien.ne.s ont juste gardé Pâques.
Alors, on construit un étalonnage de la difficulté trop bas. Le moindre inconfort semble démesuré. La moindre difficulté, insurmontable.
Se bercer au confort, c’est risquer de renoncer à tant d’expériences, par peur de la difficulté. C’est risquer de ne pas se contenter du présent, par manque de comparaison avec un passé bousculant.
Et c’est comme ça, avec cet étalonnage de confort, que le chaos climatique me fait si peur. Je ne sais pas comment je réagirai à cette difficulté. Conflits, chaleur, manque de ressources. Je ne me connais pas dans cet inconfort mortel.
C’est comme ça que l’avenir fait peur. Qu’on a besoin de planifier, projeter, imaginer. Anticiper chaque difficulté, pour l’éviter.
Et si on apprenait plutôt à y faire face, à cette difficulté ? À accueillir le présent qui se déroule, plutôt qu’anticiper ?
Aujourd’hui, bilan intermédiaire.
Alors, qu’est-ce que j’ai appris jusqu’à maintenant ? Et surtout, qu’est-ce que je veux vivre, voir, apprendre dans les quelques jours qui me restent ?
Qu’est-ce que je veux approfondir, pour répondre à mes questionnements de la vie en collectif face au réchauffement climatique ?
Et face à cette question, je réalise que tout est déjà là. Le plus grand apport de ce voyage, ce ne sera pas une méthode de culture en pleine sécheresse. Ce ne seront pas des listes de critères, des tutos pour vivre sous la chaleur.
Le plus grand apport de ce voyage, ce ne sera pas du savoir.
Ca sera du vécu.
Ce que j’ai vu et touché du doigt dans leur posture :
Cette posture de confiance. Pour elles et eux, confiance dans Allah et dans le grand tout… Qu’on réinterprète chacun.e à notre façon. Mais surtout, confiance dans le collectif. Cette famille qui s’apporte de la sécurité mutuellement, sur laquelle pousse la joie et l’épanouissement au quotidien.
Difficile d’y mettre des mots. Je les sens en tout cas en pleine sécurité et sérénité, car ensemble iels trouveront les solutions, le moment venu, face aux problèmes qui se présenteront. Patience, confiance, foi.
Il y a quelques jours, nous avons vécu un moment précieux parmi les femmes marocaines. À l’occasion d’un anniversaire, elles nous ont accueillies chez elles et avec elles. Dans leur salon, pour danser, fêter, pendant que les hommes vaquaient entre eux.
C’était un beau moment, de partage sans barrières, sans jugement. Nous avons pleinement ressenti la joie qu’elles ont eu à donner, à nous accueillir et nous recevoir. Coeur ouvert, joie sincère.
La joie à nous montrer la manière marocaine de danser, le rire de nous voir (essayer de) ld imiter, mais sans jugement aucun.
J’ai réalisé combien c’est une chance de voir les femmes marocaines, d’être accueillies parmi elles. De vivre ce moment précieux, dans un écrin. D’y être invitées.
D’habitude, en tant que touriste, à l’extérieur : on ne les voit presque pas. Elles restent à la maison, en cuisine.
Oui, c’est sûr : ici, hommes et femmes n’ont pas le même traitement !
Ce qui ne veut pas dire que les femmes sont tristes, soumises et enfermées toute leur vie, loin de là.
On les imagine enfermées, contraintes. Mais elles trouvent la joie dans cette situation. On a vu la sérénité et le bonheur qu’elles créent dans ces espaces entre femmes. Elles ont leur espace, dans lequel les hommes n’entrent pas et ne décident pas. Dans le foyer, elles ont leurs domaines, dans lesquels les hommes n’ont pas droit de regard ou commentaire.
Encore une fois, cela part d’une posture d’acceptation : la situation est ce qu’elle est. Face à cette réalité, comment on y trouve le bonheur ?
La réponse semble toujours la même : Ensemble, dans l’acceptation et la confiance.
Bref : il y a une sororité qui permet le choix et l’épanouissement.
Ce n’est pas idéal. C’est loin d’être l’égalité. Mais c’est loin aussi d’être l’esclavagisme qu’on semble parfois nous dépeindre.
Enfin… Ce que je retiens le plus de cette soirée : c’est l’écrin de joie qu’on a partagé entre femmes. Difficile à retranscrire… Cœur ouvert, joie sincère.
Aujourd’hui, je ne vais pas parler de mon voyage en tant que tel… Mais plutôt de l’exercice de documentation dans lequel je me suis lancée en arrivant au Maroc.
Tous les jours, me mettre devant mon clavier et me dire : qu’est-ce que j’ai appris aujourd’hui, qui vaut le coup d’être écrit et raconté ?
Tous les jours, vivre pleinement, observer attentivement, écouter sagement, pour en retirer un détail, une réflexion utile ou inspirante.
En demandant à la famille qui vit ici : « qu’est-ce que vous pouvez m’apprendre ? » je n’aurais sûrement pas eu autant de mots. Déjà parce que ce n’est pas tellement une culture de la parole… Mais surtout, parce que tout ça, c’est leur évidence.
Tout ça, iels ne se rendent pas forcément compte que c’est spécial, précieux. C’est leur normalité. Leur quotidien.
J’ai fait des choix de vie particuliers. Je vis avec 10 personnes, j’ai des relations polyamoureuses, je suis entrepreneuse. Tout ça, c’est mon quotidien.
Mais beaucoup de personnes me questionnent sur ce qui en découle, sur comment ça marche… Bref, sur mes petites évidences.
Alors, ça me donne envie de documenter. Non pas sur un voyage loin de chez moi… Mais sur mon quotidien. Y dénicher ce qui vaut le coup d’être raconté.
Ça arrive…
Et si vous avez, dores et déjà, des questions, des curiosités : envoyez-moi un petit message, mettez le doigt sur mes évidences 🙂.
Ralentir.
Arrêter de découvrir, chaque jour, chaque heure.
Ralentir. Pour laisser atterrir, déposer, infuser.
Transitionner.
Revenir progressivement aux habitudes, nouvelles ou françaises. Pour préparer le retour.
Voilà donc le dernier jour ici.
Je regarde en arrière… Et ça semble vertigineux. Rien que 3 semaines, vraiment ? J’ai l’impression d’être partie 3 mois. Tant j’ai vu, vécu, appris. Grandi sûrement, aussi.
Je suis curieuse de voir, dans quelques semaines, quelques mois, ce qui sera toujours aussi présent en moi. Ce qui aura infusé, pour libérer toute sa saveur. Ce qui se sera partiellement envolé, dilué. Mais qui restera là, au fond.
Je suis curieuse de constater, de retour dans mon environnement habituel, ce qui aura changé. En moi, donc autour de moi.
Je dédierai bientôt un article aux leçons apprises ici. [Edit : voilà l’article bilan, 6 leçons précieuses que je garde du Maroc ! https://oservert.fr/immersion-maroc-bilan/)
Globalement, ce que je retiens et veux entretenir…
Pour lire le bilan, 3 semaines après : c’est ici !
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Merci pour ce partage détaillé :) C'est une vision très différente du désert que celle que j'ai eu. J'aime beaucoup que chacun y trouve ses réponses <3
Merci Amandine !
Whaouw Bérénice.
J'ai le coeur qui explose de la beauté de cet article et le ventre noué de mille sensations que je ne saurais décrire.
Merci pour tes mots, tes partages. Même si je me doute qu'ils ne peuvent refléter 100% de ce que tu as vécu. Car justement, ça se vit + que ça ne se raconte.
Juste Merci.
Bonjour Evelyne, et dire que je ne lis que maintenant ton commentaire... Merci, tes mots me touchent ! Je suis ravie d'avoir pu te partager et fait ressentir un peu de mes émotions vécues là-bas !