L’empreinte écologique de nos petites actions sur Internet

Un homme surfe sur Internet, une phrase est écrite sur la photo : L'empreinte carbone du numérique

Près d’un million d’euros dépensés en ligne chaque minute. 4,8 milliards d’internautes en 2021. Plus de 34 milliards d’équipements informatiques. Internet, c’est vertigineux. Surtout, Internet, c’est loin d’être virtuel. Ses impacts environnementaux, en tout cas, sont bien réels. Quelle est l’empreinte carbone du numérique ? Combien de CO2 j’émets en envoyant un e-mail ou en regardant une vidéo YouTube ? On lit de tout et son contraire. Au point qu’on ne sait plus ce qui pollue vraiment… Ou pas. Surtout : on ne sait plus quoi faire pour vraiment limiter son empreinte écologique sur Internet. Alors, mettons les chiffres à plat pour mieux choisir ses écogestes. Découvrez 12 chiffres clés sur l’impact carbone du numérique, et LE conseil pour les réduire.

[Les sources sont listées en fin d’article.]

C’est grave, docteur ? L’empreinte carbone globale du numérique

1. L’impact carbone mondial du digital

Le monde digital représente 3 à 4 % des émissions de gaz à effet de serre du monde.

C’est plus que l’aviation civile, qu’on évalue à 3 % des émissions CO2e mondiales. Je ne dis pas ça pour banaliser l’usage de l’avion… Mais plutôt pour arrêter de banaliser l’usage du numérique !

Ce lourd bilan carbone est principalement dû…

  • Aux énergies fossiles, nécessaires pour extraire les terres rares et matières premières composant nos équipements numériques… Puis pour les transformer.
  • Au transport des matériaux et des composants et pour la fabrication. Un smartphone fait 4 fois le tour du monde en avion, avant même d’être commercialisé !
  • À l’énergie utilisée pour faire fonctionner le réseau et alimenter nos appareils – ordinateurs, smartphone, mais aussi imprimante, télévision, etc.

Bref : chaque jour, un internaute émet sans le savoir les émissions de 6 km en voiture. Alors, toujours aussi virtuel, le monde numérique ? (ARCEP, 2020)

2. L’empreinte environnementale du numérique français

À l’échelle de la France ?

  • Le numérique émet 2,5 % de l’empreinte carbone annuelle de la France (16,9 millions de tonnes de CO2eq). Cela inclut la consommation de biens et de services.
  • 8 à 10 % de l’électricité consommée en France part dans le monde digital (chiffres 2019). Un dixième. Dans une société où les sources d’énergie sont de plus en plus controversées, il serait temps d’amener plus de sobriété aussi dans le virtuel, non ?

C’est la fabrication des équipements qui pèse le plus dans la balance du CO2 : 79 % du total. C’est d’autant plus vrai en France, où on utilise une énergie bas-carbone.

3. Les émissions de gaz à effet de serre de Google

Et si Google était un pays ? Ce mastodonte des moteurs de recherche dévore 90 % des parts du marché en France (2022). Résultat : 10 millions de tonnes de CO2e émises en 2020. C’est équivalent à l’impact carbone du numérique français.

Plutôt un bon score, me direz-vous… En effet, Google mène une politique RSE ambitieuse, et plutôt efficace.

Mais, attention : ce chiffre est à prendre avec des pincettes. En effet, il n’inclut pas la pollution générée par les achats des internautes, poussés par les algorithmes et publicités bien rodées de Google.

4. L’empreinte carbone numérique moyenne des internautes en France

Une personne habitant en France émet environ 253 kg CO2e par an… Juste avec le numérique.

C’est 1/8e (un huitième) de l’objectif de 2 tonnes par personne. Vous voyez de quoi je parle ? 2 tonnes de CO2e, c’est le bilan carbone par personne à atteindre pour respecter les accords de la COP21… Et rester sous un réchauffement climatique de 2 °C.

Chaque jour, un.e internaute émet, à cause du numérique, les émissions de 6 km en voiture (1,13 kg de gaz à effet de serre). En un an, vous pourriez faire Paris – Barcelone, juste en surfant sur votre smartphone !

Alors, oui, d’autres gestes du quotidien sont bien plus émetteurs de gaz à effet de serre. Par exemple, 1 steak de bœuf émet 4,2 kg CO2e. C’est presque 4 jours de numérique. Ceci dit, le digital reste une composante réductible de votre bilan carbone personnel, bien que trop souvent ignorée. D’autant qu’il n’y a pas que les GES qui polluent dans le numérique… On voit ça plus en détail en fin d’article !

Ces chiffres incluent l’ensemble du cycle de vie des produits numériques – de la fabrication à la fin de vie, en passant évidemment par l’utilisation.

Le bilan carbone des équipements numériques

Dans le monde numérique, ce sont nos équipements qui polluent le plus : ordinateur, smartphone, télévision, etc. Et plus précisément : leur fabrication.

Ça pèse si lourd que ça ? Faisons un tour d’horizon.

5. Les émissions GES d’un ordinateur neuf

Le numérique, c’est comme les voitures : plus l’équipement est gros, plus il pollue !

Et pour cause : un grand écran a besoin de davantage de matières premières pour être fabriqué, et davantage d’électricité pour fonctionner.

La base carbone de l’ADEME a estimé, en 2018, les bilans carbone suivants…

  • Un écran de 21,5 pouces : 222 kg de CO2e. Environ 1 000 km en voiture.
  • Un ordinateur portable : 156 kg de CO2e.
  • Un smartphone de 5 pouces : 32,8 kg de CO2e.

6. L’économie carbone, grâce au reconditionné

Smartphone ou télé : un équipement numérique passe par différentes phases de vie. Fabrication, distribution (la vente quoi), utilisation, fin de vie.

Malgré ce qu’on croit trop souvent : c’est la phase de fabrication qui est la plus lourde dans le bilan carbone. Alors, on peut toujours éteindre son ordinateur la nuit… La vérité, c’est que son empreinte carbone est déjà brûlée à 79 % en sortie d’usine.

La phase d’utilisation, elle, compte pour 16 % de l’impact carbone de l’appareil numérique.

Bref : le meilleur écogeste du numérique, c’est d’allonger la durée de vie de ses équipements ! Oui : garder son téléphone plus longtemps, c’est écolo. Reconditionnement, réparation ou location permettent d‘économiser des émissions de gaz à effet de serre.

  • Pour 1 smartphone reconditionné, on économise en moyenne 30 kg de CO2e. C’est plus de 90 % des émissions de GES totales de votre téléphone ! (GES = Gaz à effet de serre)
  • Les économies ne s’arrêtent pas à ces fumées réchauffantes. On épargne aussi 35 à 40 kg de matières premières en achetant un mobile reconditionné… Alors qu’il en faut 44 kg pour un portable neuf.

7. Et les serveurs ?

« Les premiers responsables des impacts du numérique sont les terminaux utilisateur ». L’étude de l’ARCEP est claire : ce sont nos équipements qui polluent le plus. Nos appareils seraient responsables de 64 à 92 % des impacts du numérique.

Et les data centers, ces usines de serveurs ? 4 à 22 % des impacts « seulement ».

Pour une fois, c’est bien entre nos mains que les plus gros progrès écolos peuvent être faits. Alors, on s’y met ?

L’empreinte écologique d’Internet… Et vos actions en ligne

C’est peut-être ce qui vous intéresse le plus : envoyer un mail, faire une recherche internet ou regarder une vidéo, ça pollue ? Beaucoup ?

On va décrypter ensemble le bilan CO2 de ces actions en ligne quotidiennes…

Mais avant, rappelons une chose : ces émissions carbone sont très incertaines. Leur évaluation est extrêmement complexe, et dépend beaucoup de ce qui est pris en compte ou non. Donc, ne prenez pas le bilan carbone d’un mail pour acquis. Voyez-le plutôt comme un ordre de grandeur, utile pour prioriser vos éco gestes.

8. Une heure de vidéo : la quantité de CO2 émise est…

On dénonce le minuscule gramme de CO2 émis à chaque courrier électronique… Alors qu’une heure de vidéo peut émettre jusqu’à 400 g de CO2e. Soit 2 kilomètres en voiture.

Plus la qualité est bonne, et plus l’écran de visionnage est grand, plus le bilan carbone est élevé. Ça fait réfléchir sur ses soirées Netflix, non ?

Le problème ? 700 000 heures de vidéo sont visionnées dans le monde… Chaque minute. Ça, c’est vertigineux.

9. La visio et son empreinte carbone numérique

1 h de visio, à deux, avec la caméra émet 66 g CO2e en moyenne. Le bilan varie avec le logiciel utilisé. Mais, je vous rassure (vu son utilisation répandue en 2022) : Zoom semble faire partie des bons élèves.

« En moyenne, une minute de visioconférence en audio impacte 71 % moins qu’avec les caméras activées. » (Greenspector, 2022) Mais du coup, si c’est pour de l’audio, ben… Autant s’appeler !

Par contre, pour les visios de groupe : clairement, éteindre la caméra et se contenter du son est moins émetteur de gaz à effet de serre. Une visioconférence avec 10, 20 ou 100 personnes… Si tout le monde met la caméra, le bilan carbone est démultiplié !

C’est toujours un équilibre à trouver, pour ne pas en abuser.

  • La visio reste toujours moins impactante qu’un trajet en voiture pour effectuer le RDV.
  • Par ailleurs, si vous avez une activité à impact positif, ça peut valoir le coup d’utiliser les caméras pour augmenter l’adhésion à votre message et encourager les changements de comportements.

10. Scroller sur Instagram : ça aussi, ça émet du CO2 !

1 minute sur le fil d’actualité d’Instagram, c’est 1,05 g de CO2e (Greenspector, 2021. Ça prend en compte l’analyse de cycle de vie du smartphone et des serveurs.). **

Sachant que la vidéo est de plus en plus mise en avant, on peut s’attendre à une augmentation… Tik Tok, par exemple, grimpe à 2,63 g de CO2e par minute. (Greenspector, 2021.)

Vous passez combien de temps par jour sur Instagram ? Par semaine ? Allez dans les stats de votre téléphone pour en avoir le cœur net, et déduire votre empreinte carbone d’Instagram !

Pour un.e internaute assez classique passant 1 h par jour sur Instagram : son bilan carbone s’élève à 441 g de CO2e par semaine, soit environ 2 km en voiture… Ou une heure de vidéo HD. Bon, ce n’est clairement pas une priorité. Donc utiliser les réseaux sociaux pour militer au profit de la transition écologique : je dis oui !

On parle bien du fil d’actualité classique, pas des reels : sinon, on passe sur les émissions carbone de la vidéo…

11. Un e-mail : le bilan carbone avec le plus de mythes…

Ah, j’adore ce sujet : le bilan carbone des e-mails. On entend tellement souvent ce conseil pour limiter sa pollution numérique : supprimez vos mails, envoyez moins de newsletters, limitez les pièces jointes, etc.

Est-ce que la charge mentale vaut vraiment le coup ?

La réponse est non. Si vous vous apprêtez à prendre une après-midi pour trier vos mails : laissez tomber. Allez plutôt nettoyer une plage, apprendre à votre voisin une recette végan ou amener vos vieux smartphones dans un point de collecte pour recyclage.

Parce que ce qui alourdit le bilan carbone d’un mail, ce n’est pas l’énergie des serveurs… C’est la fabrication de l’équipement pour rédiger et lire ce mail. Votre smartphone ou votre ordinateur : c’est ça qui pollue, pas tellement ce que vous y faites (à part pour la vidéo, peut-être).

Vous voulez des chiffres précis sur le bilan carbone d’un mail ? En voilà.

  • Un courriel, c’est 0,4 à 5 g CO2e en moyenne, selon la taille du message, le nombre de destinataires et l’appareil utilisé. (NégaOctet, 2022).
  • Sur ces quelques grammes, l’amortissement de la fabrication des ordinateurs servant à écrire et lire le mail compte pour 92 % de l’impact carbone.
  • Le transfert et le stockage des e-mails dans le monde représentent 1 % des émissions carbone totales du numérique (2019), qui représente 4 % des émissions mondiales de GES.

Pour plus de détail, j’ai rédigé cet article complet sur l’empreinte carbone des mails, sur le site de Sami. Basé sur l’expertise de Basile Fighiera de NegaOctet.

Finalement, réduire son empreinte écologique sur Internet, c’est surtout allonger la durée de vie de ses appareils numériques et réduire leur consommation d’énergie.

12. Messagerie instantanée vs SMS : on choisit quoi ?

Gardons en tête que l’évaluation de ce type de « micro usage » numérique est très délicate, donc soumise à une grosse incertitude. Difficile de trouver un bilan carbone d’un SMS fiable !

Ce qui circule sur le net ? 0,00215 g de CO2 par SMS. Une donnée partagée par Frédéric Bordage… En 2010 ! Peut mieux faire… Enfin, en théorie. Car en pratique, les données plus récentes ne sont pas accessibles.

Les messages passant par Internet seraient 200 à 300 fois plus énergivores. Là encore, cela reste très approximatif… Donc : ne retenez pas les chiffres.

Retenez simplement qu’un SMS, c’est moins polluant que des applications de messageries instantanées (Whatsapp, Messenger, etc.). Pourquoi ? Car pour envoyer un SMS, on utilise les fréquences de la téléphonie classique. Pour les autres messageries… On utilise les flux de données du réseau internet. Plus gourmands.

Alors oui, les SMS c’est moins pratique. On n’a pas les réactions émojis, les conversations de groupe ou les réponses à un message spécifique. Bref : ça semble has been de parler par SMS. Mais pour certains usages, ça suffit amplement. Pas besoin de sortir la voiture pour aller à la boulangerie au coin de la rue… C’est un peu pareil ici !

Mais, clairement, choisir les SMS plutôt que les messageries instantanées : c’est loin d’être une priorité. Simplement une piste d’amélioration qui ne prend pas plus de temps ou de charge mentale.

Au-delà des gaz à effet de serre : les matériaux, un stock bientôt épuisé…

On a beaucoup parlé de gaz à effet de serre et réchauffement climatique. Cependant, n’oubliez pas que l’empreinte carbone est loin d’être la seule source d’impacts négatifs du numérique sur l’environnement.

Dans le monde du numérique, on identifie en particulier les conséquences suivantes (ARCEP, 2022) :

  • les radiations ionisantes ;
  • l’épuisement des matières premières : métaux, minéraux, terres rares ;
  • l’épuisement des ressources fossiles ;
  • et bien sûr, les émissions de gaz à effet de serre.

On ajoute malheureusement des conséquences locales, sur les lieux de production et d’extraction des ressources :

  • exploitations humaines ;
  • rejets polluants dans le sol et les eaux ;
  • consommation d’eau, etc.

La bonne nouvelle ? Un seul écogeste permet d’agir sur tous ces impacts. 👇

Synthèse : c’est quoi la priorité pour réduire l’empreinte carbone du numérique ?

Vous voulez agir contre le réchauffement climatique ? Arrêtez de supprimer vos mails.

La priorité, c’est allonger la durée de vie des appareils numériques. Réemploi, réparation, reconditionnement, bonnes pratiques à l’utilisation : ça, ce sont de vrais gestes de sobriété numérique.

Vous agissez ainsi sur la phase la plus polluante d’un équipement numérique : sa fabrication. Elle est responsable de plus de 80 % de l’empreinte carbone et de l’épuisement des matières premières. (ARCEP, 2022).

Vous savez maintenant combien de carbone vous émettez à chaque e-mail envoyé, chaque heure passée sur YouTube ou chaque visioconférence avec la caméra allumée. À chaque fois que vous allumez votre ordinateur, c’est comme si vous parcouriez quelques mètres ou kilomètres en voiture. Mais, maintenant, vous savez quoi faire pour réduire votre impact sur le climat : allonger la durée de vie de vos équipements numériques. Pour aller plus loin, découvrez pourquoi on n’aura plus de smartphone en 2050

Sources :

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6 commentaires sur “L’empreinte écologique de nos petites actions sur Internet”

  1. Bonjour,
    merci pour cet article dont les chiffres et les conclusions me semblent très pertinents.
    Toutefois il y une phrase fausse :
    « Ceci dit, le digital reste une composante importante de votre bilan carbone personnel »
    Car 253kg/9tonnes cela fait = 2.8%, donc non, ce n’est pas une composante ‘importante’

    1. Merci pour votre remarque Thomas ! En effet, tout dépend du référentiel. Par rapport à l’objectif de 2 tonnes par personne, la part est plus importante : 1/8.
      Par ailleurs, 2,8 % (par rapport aux 9 tonnes émises) reste un poste intéressant à réduire, quand on sait qu’il est grandement ignoré. Au-delà du carbone, l’utilisation en ressources non renouvelables est, elle, très significative et urgente à raisonner.

  2. Bonjour, merci de développer écosia
    Ok il est pourri comparé à google ou internet explorer mais pour des recherches simples il fait le job !
    et ce sont des MILLIONS D’ARBRES facilement PLANTES si nous sommes nombreux à avoir le reflexe de l’utiliser de temps en temps
    ex: une recette, des horaires d’une entreprise, une nouvelle voiture etc

  3. « Le monde digital représente 3 à 4 % des émissions de gaz à effet de serre du monde. C’est plus que l’aviation civile, qu’on évalue à 3 % des émissions CO2e mondiales. » Qu’on ? Non non, que le lobby de l’aviation donne pour dire qu’ils consomment moins que le numérique ! « le numérique c’est X%, l’aviation c’est moins », blablabla. Un discours de l’inaction climatique qu’on appelle le whataboutisme. Notons que 90% des habitants de la planète ne sont jamais montés dans un avion, et 1% des passagers sont responsables de 50% des émissions de l’aviation. Le numérique est utilisé par des milliards de personnes. Vous avez dit justice climatique ?
    Sources : https://www.linkedin.com/posts/thomas-wagner-0807b932_cette-info-partag%C3%A9e-partout-sur-linkedin-activity-6995771473130835968-WiDQ/ ou encore https://bonpote.com/environnement-faut-il-supprimer-ses-emails/

    1. Bonjour Lionel, en effet, vous avez bien raison, ces chiffres sont à mettre à côté de l’injustice sociale et climatique. Merci pour votre commentaire !

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